Législatives au Gabon : comment l’opposition utilise les syndicalistes pour tenter de rebondir

Marcel Libama, le délégué administratif de la Convention nationale des syndicats du secteur de l’éducation (Conasysed) © Facebook

Au Gabon, plusieurs syndicalistes se présenteront aux élections législatives et locales d’octobre prochain. L’opposition, moribonde, tente de rebondir en investissant sous ses couleurs ces personnalités au risque de brouiller un peu plus la ligne de séparation entre activités syndicale et politique.

Ils sont plusieurs à avoir décidé de franchir le Rubicon. « Ils », ce sont les syndicalistes qui se présenteront à l’occasion des élections législatives et locales prévues en octobre prochain au Gabon.

Ils sont plusieurs dans ce cas de figure. Parmi eux, Marcel Libama qui est candidat aux législatives dans le 4ème arrondissement de Franceville. L’homme, réputé pour sa verve et ses idées radicales, est le délégué administratif de la Convention nationale des syndicats du secteur de l’éducation (Conasysed) et l’un des ténors de Dynamique unitaire. Il se présentera sous les couleurs de l’Union Nationale, l’un des principaux partis d’opposition, présidé par Zacharie Myboto et qui compte dans ses rangs Jean Gaspard Ntoutoume Ayi qui s’est d’ailleurs affiché à ses côtés durant les dernières semaines.

Dynamique Unitaire, une confédération de syndicats de fonctionnaires, avait déjà été critiqué durant les mois de juillet et août pour cause de mélange des genres entre activités syndicale et politique. Alors qu’elle contestait les mesures prises par le gouvernement en matière de réforme des finances publiques, beaucoup la soupçonnaient d’être instrumentalisée par l’opposition. Jean Ping avait d’ailleurs financé à grands frais en juillet le déplacement parisien de Jean Rémy Yama, le président de Dynamique Unitaire, et les partisans du président de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR) étaient venus en renfort grossir les rangs du meeting de Dynamique Unitaire le 3 août dernier afin d’éviter que l’événement ne fasse un flop, faute de participants en nombre suffisant.

Mais Marcel Libama n’est pas le seul dans ce cas. Un autre syndicaliste, Fridolin Mve Messa, est également candidat dans la deuxième circonscription du département du Ntem dans la province du Woleu-Ntem. Or, celui-ci n’est rien de moins que le président d’un des principaux syndicats de l’éducation, le SENA. Comme un fait exprès, il sera également candidat sous les couleurs de… l’Union Nationale.

Mécontentement de la base

« On est en plein mélange des genres entre activité syndicale et politique. Le Rubicon est allègrement franchi », analyse un professeur en science politique à l’UOB de Libreville. « Dans une démocratie normale, la frontière est censée être étanche entre monde politique et syndicale, même s’il y a – chacun le sait – de nombreux contacts officieux. Mais là, on ne se cache même plus. L’opposition gabonaise est si faible que pour espérer rebondir et faire un score qui ne soit pas déshonorable, elle en est réduite à faire appel à des syndicalistes, explique l’universitaire, conscient qu’ « incontestablement, une digue a sauté ».

Le moins que l’on puisse dire est que ces candidatures de syndicalistes sont très loin de faire l’unanimité au sein des organisations concernées. En juillet et août dernier, la base de Dynamique Unitaire s’était plaint à plusieurs reprises contre les dirigeants de leur mouvement, accusés de privilégier leurs intérêts politiques au détriment de leur mission première : la défense des droits des travailleurs, reléguée selon eux au second plan.