Elections au Gabon : l’opposition KO

Jean Ping (au centre), entouré par Guy Nzouba Ndama (à gauche) et Zacharie Myboto (à droite) en septembre 2016. Hier unie, l'opposition gabonaise, lourdement défaite lors des dernières élections, se déchire désormais sur la question de la stratégie et du leadership © DR

Les résultats des scrutins du 6 octobre dernier se sont révélés catastrophiques pour l’opposition. Pour ses principaux leaders, la faute en incombe à la stratégie de la contestation permanente promue par Jean Ping, qui s’est révélée vaine et contre-productive. 

« KO debout ». C’est en ces termes que l’un des principaux responsables a qualifié l’état de l’opposition vendredi dernier, au moment où le Centre gabonais des élections a rendu publics les résultats définitifs des élections locales et législatives du 6 octobre dernier. Et pour cause, ceux-ci se sont révélés catastrophiques pour l’opposition gabonaise.

Alors que le PDG, le parti au pouvoir, a fait élire dès le premier tour des législatives 74 députés, s’assurant dès avant le second tour la majorité absolue à lui tout seul, et que ses alliés ont obtenu trois élus, portant à 77 le nombre total de députés de la majorité présidentielle élus dès le premier tour, l’opposition, elle, a dû se contenter de cinq élus seulement, plus deux pour les indépendants.

Dans le détail, l’Union Nationale de Zacharie Myboto n’obtient aucun élu. A Akanda, l’un de ses principaux lieutenants, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi a même subi une cuisante défaite. Et si cinq des candidats du parti sont parvenus à se hisser au second tour, ils sont tous en ballottage défavorable.

Le Rassemblement Héritage et Modernité fait à peine mieux. Il obtient un élu et huit de ses candidats seront présents au second tour. Parmi eux, le président du parti, Alexandre Barro Chambrier, qui devra livrer une rude bataille pour l’espérer l’emporter au deuxième tour face à un jeune candidat du PDG qui a créé la surprise dans la circonscription du quatrième arrondissement de Libreville (1er siège).

Jean Ping et sa stratégie de la contestation permanente pointés du doigt

Mais dans ce marasme général, le parti d’opposition à s’en sortir le mieux sont Les Démocrates. Ceux-ci ont obtenu trois élus lors du premier tour des législatives. Et 13 de leurs candidats seront présents au second tour. Seule ombre au tableau, la lourde défaite du président du parti, Guy Nzouba Ndama, qui, du coup, songe désormais à transmettre le témoin à la nouvelle génération avant de se retirer de la vie politique.

Pour les observateurs, la lourde défaite de l’opposition s’explique en grande partie par ses faiblesses intrinsèques (division, atomisation). Mais aussi par une stratégie de la contestation permanente qui s’est révélée contre-productive, comme l’explique un professeur en science politique de l’Université Omar Bongo de Libreville, proche du RHM.

« Depuis deux ans et l’élection présidentielle d’août 2016, l’opposition gabonaise s’est focalisée sur la critique du régime d’Ali Bongo Ondimba. Jean Ping y est pour beaucoup en continuant de dire, sans être entendu, qu’il est le président élu. Or, pour les électeurs gabonais, c’est de la tambouille politicienne. Ce que veulent les gens, c’est savoir comment on va améliorer concrètement leur quotidien en matière d’emploi, d’éducation, de santé, de logement, de transport, etc. Sur tous ces sujets l’opposition est inaudible », explique l’universitaire.

Recomposition

De fait, nombreux sont les leaders de l’opposition à jeter aujourd’hui un regard accusateur vers Jean Ping. En privé, beaucoup lui font grief d’avoir fait perdre un temps précieux à l’opposition en plaidant jusqu’au bout pour le boycott de ses élections. Une posture qu’ils ont jugé suicidaire. Plus généralement, les autres leaders de l’opposition reprochent à Jean Ping ses choix tactiques depuis sa défaite à l’élection présidentielle d’août 2016. « On l’a suivi depuis deux ans mais sa stratégie de la contestation permanente, déconnectée des préoccupations des Gabonais, s’est révélée catastrophique pour nous », explique un responsable de l’UN, pour qui « il est grand temps désormais pour l’opposition de se réinventer ».

Cela passe sans doute d’abord par le fait de trouver un nouveau leader avant de reconstruire un programme crédible qui parle à son électorat. En attendant, pour l’opposition gabonaise, les prochains mois s’annoncent très tendus.