Médias : suppression de postes à l’AFP, l’Afrique et le Gabon concernés ?

Fabrice Fries, le PDG de l'AFP, lors d'une audition devant le Sénat français le 3 octobre dernier © Catherine Morin-Desailly – Twitter

Un « plan de transformation » (en réalité, un plan social) a été annoncé à Paris aux salariés de l’Agence France-Presse. A la clé, 125 suppressions de postes.

C’est en octobre dernier, lors d’un conseil d’administration, puis quelques jours plus tard à l’occasion d’un comité d’entreprise, que les délégués des salariés de l’AFP ont appris la mauvaise nouvelle. D’ici 2023, l’Agence France-Presse compte réduire ses effectifs de 125 postes, ce qui représente 5 % de ses effectifs. « Il n’y aura aucun départ contraint […] Il s’agira majoritairement de non-remplacements de départs à la retraite sur 5 ans », a tenté de rassurer Fabrice Fries, le PDG de l’AFP.

L’objectif de ce plan social qui ne dit pas son nom est d’économiser 14 millions d’euros sur la masse salariale, sur un total de 17 millions d’euros d’économies à réaliser (les trois millions d’euros restants devraient notamment être obtenus à travers des réductions de loyer), l’agence ayant vu ses recettes commerciales fondre de 10 millions d’euros depuis 2014. Dans le même temps, ses charges ont augmenté de 4 % entre 2014 et 2017. Intenable financièrement.

L’AFP est en réalité victime d’une crise plus générale qui touche depuis plusieurs années partout dans le monde les médias en général et la presse en particulier, et qui contraint les clients de l’AFP (des médias français et internationaux qui lui achètent du contenu brut, des photos et des vidéos) à revoir les contrats à la baisse ou carrément à les résilier. « Le chiffre d’affaires commercial ne se développe pas autant qu’on pourrait le souhaiter. Le contexte du secteur des médias est difficile », admet Benoît Fauchet, délégué syndical SNJ (syndicat national des journalistes) de l’AFP.

Ce plan d’économies budgétaires serait accompagné d’un recentrage stratégique autour de l’image. La direction de l’AFP souhaiterait en effet davantage proposer des photos et vidéos, au détriment des textes, pénalisant ainsi les journalistes « écrivants ». Une perspective qui a le don d’irriter les salariés de l’agence. « On nous dit que c’est ce qui rapporte le plus, mais une vidéo et une photo, sans texte, ça n’a aucune valeur ajoutée pour l’ensemble de nos clients », soutiennent certains d’entre eux.

Une argumentation pour l’instant balayée par Fabrice Fries. « La presse est en crise. Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est la soif d’images dans l’univers de l’information, particulièrement des chaînes de télévision, des sites web et des réseaux sociaux. Nous sommes déjà leader mondial en photo et avons une offre vidéo parfaitement compétitive, sur laquelle on met le paquet. On a un très gros potentiel commercial en image et c’est encourageant », soutient le PDG de l’AFP.

L’Afrique et le Gabon concernés ?

Ces suppressions de poste affecteront-elles le continent africain sur lequel l’AFP est très présente. Jusqu’à présent, les syndicats de l’agence craignent que ce soit en France, où le niveau des charges sociales sur les salaires est particulièrement élevé, que les effectifs seront le plus durement touchés. Mais cela pourrait également concerné les correspondants de l’AFP travaillant sur le continent non pas avec des contrats locaux mais en tant qu’expatriés. Ils sont nombreux en ce cas.

Au Gabon, l’AFP reste l’une des grandes agences à couvrir l’actualité du pays. Mais ces dernières années, elle subit la forte concurrence des agences anglophones de plus en plus présentes, en particulier Reuters, et dans une moindre mesure Bloomberg et Associated Press (AP).

Mais la nouveauté réside surtout dans l’arrivée des agences de presse en provenance des pays émergents, tels que la Chine, la Russie, l’Inde ou même la Turquie. Ainsi, la chinoise Xinhua et la turque Anadolu offrent désormais une lecture alternative de plus en plus prisée à celle de l’AFP de l’actualité au Gabon.

En effet, l’AFP est régulièrement accusée au Gabon de partis pris dans son traitement médiatique. Ses dépêches accordent en effet une large place au point de vue de l’opposition, offrant ainsi une lecture singulière (« travestie », disent ses détracteurs) des événements. Au point que certains l’accusent de faire « moins du journalisme que du militantisme ». Ce fut le cas récemment à l’occasion d’événements aussi divers que la victoire du PDG lors des élections, l’hospitalisation du président Ali Bongo, la convocation du dernier conseil des ministres ou encore la récente décision de la Cour constitutionnelle.

C’est ce qu’explique un professeur en science de la communication à l’UOB de Libreville. « L’AFP est régulièrement brocardée au Gabon pour son parti pris, réel ou supposé, pro-Ping. C’est vrai que, d’une manière générale, l’agence a tendance à sur-médiatiser les activités de l’opposition et à refléter plus facilement leur point de vue », analyse l’universitaire. « J’en veux pour exemple la dernière décision de la Cour constitutionnelle. L’AFP a écrit à ce sujet qu’il s’agissait d’une modification de la Constitution. C’est en effet le point de vue de l’opposition, mais pas celui de la Cour constitutionnelle, ni de la majorité, mais surtout ni celui des constitutionnalistes qui ont parlé à ce sujet de ‘précision’ apporté à la Constitution et non de ‘modification’ », rappelle ce professionnel reconnu.

Quoi qu’il en soit, pour les médias en général et la presse (tant on que off-line) en particulier, ce plan social décidé par la direction de l’AFP n’est pas une bonne nouvelle. La pluralité des médias, fussent-ils d’opinion, est en effet indispensable à la bonne information de l’opinion.