Malgré la crise du Covid-19, le Gabon continue de purger sa dette intérieure en donnant la priorité aux PME

Les autorités gabonaises ont entrepris de restaurer la crédibilité de la parole de l'Etat, autrefois altérée © DR

Le Gabon accélère l’apurement de sa dette vis-à-vis des entreprises locales. 216 PME gabonaises, détentrices de créances inférieures à 100 millions de francs CFA, vont en bénéficier très prochainement pour un montant total de 4,887 milliards de francs CFA. Le signe de la volonté de l’Etat gabonais, en rupture avec un passé récent, de respecter ses engagements. Une décision largement saluée qui favorise à court terme la relance de l’économie en cette période de crise du Covid-19 et qui, à plus long terme, rejaillit positivement sur l’image pays, l’amélioration du climat des affaires et l’attractivité des investissements.

En dépit de la crise du Covid-19, qui ne l’a pas – loin de là – déstabilisé, le Gabon poursuit à bon rythme l’entreprise de restauration de sa crédibilité qui passe par le respect des engagements pris par le passé (lire notre analyse complète à ce sujet).

Après avoir adopté en juin une loi de finances rectificatives considéré comme la plus sincère et équilibrée de ces dix dernières années, le pays envoie un nouveau signal aux entreprises et aux investisseurs en accélérant l’apurement de sa dette intérieure (la dette contractée par l’Etat vis-à-vis des entreprises locales).

Mi-juin, le ministère des Finances, en concertation avec le Trésor public, a décidé d’apurer dans les meilleurs délais les créances inférieures à 100 millions de francs CFA.

« Cette opération intervient dans le cadre de la stratégie du ministère de l’Economie et des Finances pour apurer la dette intérieure. Il était question d’abord de déterminer le stock réel global de la dette intérieure puis de définir les modalités d’apurement », précise un haut fonctionnaire du ministère des Finances.

« L’apurement de ces créances se fera rapidement en deux temps. D’abord celles inférieures à 50 millions de francs CFA, qu’on appelle le segment 1, puis celles égales ou inférieures à 100 millions, qui relève du segment 2 », poursuit le haut-fonctionnaire.

Celui-ci ajoute que « pour en bénéficier, les entreprises en question doivent être naturellement légalement constituées, être à jour du paiement de leurs charges sociales et fiscales auprès du Trésor public ; leur dette doit en outre avoir été reconnue ; enfin, les prestations convenues doivent avoir été effectivement exécutées ». 

Au total, pour le segment 1, l’Etat va débourser 4,887 milliards de francs CFA au profit de 216 PME gabonaises, ce qui représente 46 % des créanciers intérieurs. Tous les secteurs économiques sont concernés : génie civile, BTP, adduction d’eau et forage, biomédical, services informatiques, service de sécurité, formation, transport, mobilier, textile, restauration, hôtellerie, maintenance automobile et alimentation générale.

Pour cette économiste du FMI, spécialiste de l’Afrique, l’initiative des autorités gabonaises est éminemment positive. « A court terme, cette opération a un impact réel sur l’économie notamment en période de crise sanitaire due au Covid-19. A plus long terme, elle impacte positivement l’image pays, le climat des affaires et a un effet bénéfique sur l’attractivité des investissements », précise ce fin connaisseur des économies subsahariennes.

Cette initiative n’est cependant pas isolée. Elle s’inscrit dans le cadre du politique globale, initiée depuis le début 2020, marquée par la volonté de purger dans les meilleurs délais l’ensemble des dettes contractées par l’Etat .

Pour les économistes, cette tendance nouvelle, en rupture avec un passé récent, est très positive. « Depuis le début de l’année, on assiste à bas bruit à une petite mais véritable révolution », dit un analyste londonien, spécialiste de l’Afrique avant d’expliquer : « Les autorités ont la volonté de respecter les engagements financiers pris par l’Etat. On constate que celui-ci purge peu à peu ses dettes. On constate également que les délais de paiement, autrefois très extensibles, se raccourcissent », fait-il observer. Et, souligne-t-il, « Tout cela est d’autant plus remarquable que la période actuelle, marquée par les conséquences économiques de la crise du Covid-19, n’est pas des plus faciles ».

Une révolution amorcée en début d’année

Il y a quelques semaines à peine, en juin dernier, un élément est venue renforcer cette tendance de gérer différemment les deniers publics : l’instauration d’un visa de conformité et d’opportunité de la Présidence de la République. Désormais, aucun engagement financier ne sera pris, aucun contrat ne sera passé sans que la plus haute institution du pays ait donné son aval. Un dispositif technique qui permet de garantir davantage de rationalité et de cohérence dans l’engagement des fonds publics.

« Clairement, depuis le début 2020, il y a un avant et un après. Désormais, l’Etat tient parole et règle rubis sur l’ongle dans des délais raisonnables. Aucun engagement n’est pris si l’on doute du fait qu’il pourra être tenu. D’ailleurs, la loi de Finances 2020 qui vient d’être adoptée est marquée par un niveau de sincérité sans précédent », confie une source au sein du Palais du Bord de mer qui jure en outre qu’ « aucun contrat inutile ou dont le montant est excessif ne sera plus signé à l’avenir »« L’argent public ne sert qu’à une chose : répondre aux priorités quotidiennes des Gabonais », martèle-t-il.

Au Gabon, une rupture, fût-elle silencieuse, a bel et bien lieu.