Fake news : Non, le Gabon n’est pas le pays d’Afrique centrale où le taux de chômage est le plus élevé (ce serait même plutôt l’inverse !)

Chaque année, le Gabon organise plusieurs salons de recrutement pour les jeunes © DR

Dans un article publié mercredi 12 août, le site internet pro-opposition Gabon Review se fait l’écho d’un classement publié dans le dernier numéro de « L’atlas des Afriques », édité par le journal Le Monde, en collaboration avec RFI et France 24, où le Gabon apparaîtrait comme le pays où le taux de chômage serait le plus élevé en Afrique centrale. Problème : les données brutes, tirées du site de la Banque mondiale, sont de l’aveu même des experts, à la fois partielles et faussées. Quant à la méthodologie retenue pour ce classement, elle est hautement discutable. Explications. 

Selon ce classement, défavorable en apparence au Gabon, ce dont raffole les médias en ligne proche de l’opposition, le Gabon serait le pays en Afrique centrale où le taux de chômage serait le plus élevé.

Dans le microcosme des experts du développement, l’assertion fait sourire. Et pour cause, les chiffres contenus dans ce classement sont en réalité tirés du site internet de la Banque mondiale. Or, les experts de la Banque le soulignent eux-mêmes, ceux-ci sont à prendre avec beaucoup de précautions. Et ce, pour au moins deux raisons.

D’une part, il s’agit de données officielles non-recoupées, c’est à dire non-vérifiées. Autrement dit, il y a en la matière une prime à l’opacité. Moins un pays joue le jeu de la transparence en matière statistique (ce qui est souvent le cas en Afrique), plus il est récompensé. Ainsi, laisser accroire que la RDC ne compterait que 4,3 % de taux de chômage fait doucement rire, pour qui connait un tant soit peu le pays. Selon le consensus des économistes, ce chiffre serait largement supérieur à… 50 %.

Idem en ce qui concerne la Guinée équatoriale (9,2%), la République centrafricaine (6,5 %, sic !), la RDC , le Cameroun (3,3 %) et le Tchad (2,3 %, sic à nouveau !). Des chiffres qui font bondir les experts du développement. « 6,5 % de chômeurs en Centrafrique et 2,3 % au Tchad… C’est une autre planète dont on nous parle. Cela signifierait que dans ces pays, on serait techniquement au plein emploi, c’est à dire à 3 % ou moins de chômeurs comme en Suisse. C’est totalement ridicule ! », s’étrangle un économiste de l’OIT.

A l’inverse, le Gabon, connu pour sa transparence en matière statistique – il l’a encore démontré à l’occasion de la crise du Covid-19 lors de laquelle il a été, selon l’OMS, l’un des rares pays d’Afrique à publier régulièrement des statistiques fiables et actualisées -, est, par définition, pénalisé dans un tel exercice.

D’autre part, et ce qui achève de fausser définitivement l’analyse, le classement en question ne prend en compte que le taux de chômage dans le secteur formel (au demeurant, évalué sur la base de données contestables, on l’a dit). Il ne prend donc pas en compte le secteur informel qui, en Afrique, emploie la majeure partie de la main d’oeuvre. Selon l’Office international du travail (OIT), la part de l’informel dans les économies d’Afrique subsaharienne se situerait en effet dans une fourchette allant de 34 % (en Afrique du Sud) à 90,6 % (au Bénin).

En réalité, le Gabon est le pays d’Afrique centrale où le taux de chômage est le moins élevé

Au final, la réalité est bien différente que celle que prétend renfermer un tel classement. Sur toute une série de paramètre, dont l’emploi, le Gabon est considéré comme le pays le plus performant – et de loin – en Afrique centrale. C’est le constat que font le FMI, la Banque mondiale et toute une série d’autres institutions internationales.

En autres éléments, celles-ci relèvent que le taux d’emploi dans la fonction publique au Gabon est plus élevé que partout ailleurs en Afrique centrale, ce qui contribue mécaniquement à diminuer le taux de chômage. Ensuite, que le Gabon est le pays où les jeunes sont parmi les mieux formés, les plus diplômés sur le continent. Et nombre de jeunes Gabonais, formés à l’étranger, font le choix de revenir travailler au Gabon une fois leur diplôme en poche, ce qui est rarement le cas ailleurs sur le continent. Enfin, n’y aurait-il pas un paradoxe à voir les ressortissants des pays d’Afrique de l’Ouest et des autres pays d’Afrique centrale se presser au Gabon pour y travailler si l’emploi y ferait tant que cela défaut ?

Au final, un tel classement n’a, on le voit aucune validité scientifique, faute de données fiables et exhaustives, et faute de méthodologie rigoureuse pour le réaliser. Il ne sert, au final, qu’à alimenter les réseaux sociaux et quelques médias en ligne moins soucieux de vérification journalistique que de menée partisane.

Pour un autre exemple d’analyse tout aussi fantaisiste, lire notre article : Pourquoi l’analyse de Geoffroy Foumboula sur les milliards collectés au Gabon dans le cadre de la riposte au Covid-19 est totalement erronée