En perte de vitesse, Jean Ping menace la France et les Français du Gabon

Jean Ping s'en est violemment pris à la France dans un discours ce samedi 12 octobre © DR

L’ex-candidat unique de l’opposition lors de l’élection présidentielle de 2016 a fait ce samedi une énième déclaration publique. De plus en plus contesté dans son propre camp, sans soutien à l’international, le leader de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR), pour tenter d’exister, est condamné à l’outrance… quitte à franchir la ligne rouge. 

Ce samedi, peu après midi, Jean Ping a fait une énième déclaration. Depuis un salon, au trois quart vide de l’hôtel triomphal, devant une vingtaine, une trentaine tout au plus, de ses partisans. Aucun des diplomates invités n’a donné suite à son invitation.

Il faut dire que Jean Ping, qui continue de revendiquer sa victoire lors de l’élection présidentielle de 2016, tel un hamster dans sa roue, a fini par lasser la communauté internationale qui l’a aujourd’hui totalement lâché.

Isolé à l’extérieur, Jean Ping est de plus en plus contesté dans son propre camp politique. Les autres leaders de l’opposition (Guy Nzouba-Ndama, Alexandre Barro-Chambrier…) ne le considèrent plus comme l’homme de la situation dans la perspective de la prochaine élection présidentielle de 2023. Quant à la jeune garde, elle ne manque pas une occasion de souligner son âge canonique, rappelant que dans quatre ans l’intéressé aura 81 ans.

Ces dernières semaines, Jean Ping a été lâché par certains de ces soutiens historiques. C’est le cas notamment de Jean-Norbert Diramba, le maire de Mouila (lire notre article), ou de Frédéric Massavala, son porte-parole (lire notre article). Plusieurs activistes, au sein de la diaspora gabonaise vivant en France, qui lui ont été proches par le passé, ont également pris leurs distances. C’est le cas de Laurence Ndong, Jonas Moulenda et de Messir Nah Ndong (lire notre article).

Reste donc l’outrance pour tenter de continuer à exister et briser le mur de d’indifférence auquel il est désormais confronté. C’est cette carte que Jean Ping a tenté d’abattre ce samedi à l’occasion d’une déclaration publique, l’énième du genre. Au risque cette fois-ci de franchir la ligne rouge.

A mots à peine couverts, Jean Ping, dans une violente diatribe, s’en est tout particulièrement pris à la France, qu’il n’a pourtant par le passé (et encore aujourd’hui) jamais cessé d’appeler à son secours. « Le Gabon est un pays sans capitaine ni boussole, livré au gré aux convoitises, notamment de celui qui dans la bande, sera le plus malin, le plus cynique, le plus vorace. Parmi eux, celui qui va aujourd’hui le plus loin, un repris de justice (sic !), se distingue en jouant de la confusion de ses identités et de ses nationalités (…) », a-t-il déclaré visant explicitement le directeur de Gabonais, l’ « accusant » d’être un citoyen français.

Et M. Ping d’ajouter : « Ce jeu de dupes, qui ne trompe pas les personnes avisées, jette cependant le trouble dans l’opinion vis-à-vis de notre partenaire historique. En effet, face à ce personnage et les actes qu’il pose naît un sentiment anti-français dont il faut redouter les effets à terme. Sans s’embarrasser de contradictions, Jean Ping en appelle à l’intervention de… la France « pour ne pas laisser perdurer les agissements irresponsables et dangereux d’un de ses ressortissants (…) » et afin de préserver, dit-il, « l’amitié entre nos deux États et de leurs intérêts respectifs ».

Discours xénophobe

Bien que sachant Brice Laccruche Alihanga gabonais et non français, M. Ping n’hésite pas depuis quelques mois à user d’une rhétorique ouvertement xénophobe pour tenter de remobiliser son camp. Déjà, le 16 août dernier, lors d’une déclaration publique, il avait nié à Brice Laccruche Alihanga sa nationalité gabonaise. Une discours qui, au Gabon, prête à sourire, Jean Ping étant également d’origine chinoise.

Ce discours aux relents xénophobes touche désormais ses partisans. En septembre dernier, l’un des principaux lieutenants de M. Ping, Féfé Onanga, avait menacé de représailles les commerçants et habitants d’origine ouest-africaine de Port-Gentil qui viendraient accueillir le directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba lors de son séjour dans la capitale économique du Gabon (lire notre article). Des déclarations, faites en pleine émeutes xénophobes en Afrique du sud, vivement condamnées par les ONG de défense des droits de l’Homme (lire notre article).

S’il est vrai que les déclarations du jour de Jean Ping ont suscité pour l’essentiel de l’indifférence tant dans l’opinion publique gabonaise qu’au sein des cercles diplomatiques, une poignée d’« africanistes » a toutefois pris la peine d’écouter le discours de l’opposant. C’est le cas de cet ambassadeur qui connait bien le Gabon. Sans surprise, il se montre très sévère à l’endroit de M. Ping.

« Jean Ping est dans une fuite en avant. Trois ans ont passé. Il n’a aucune chance d’être reconnu président. Mais comme toutes les personnes qui désirent intensément quelque chose, il a du mal à faire son deuil et à se résoudre à l’évidence. Il n’a plus aucun soutien à l’intérieur, comme à l’extérieur », explique le diplomate qui rappelle qu’en décembre 2018 « l’appel à la mobilisation de ses partisans de marcher sur la présidence avait été un échec monumental. »

Et de poursuivre : « En utilisant un discours ouvertement xénophobe, il prend le risque d’écorner son image et de perdre le peu de capital sympathie qui lui restait encore. Mais sans doute a-t-il estimé qu’il n’avait plus rien à perdre. S’en prendre ainsi à la France et, je dirais même, en menaçant indirectement les ressortissants français dans des termes à peine voilés, même s’il s’agit d’une forme de chantage dans son esprit, c’est un pas que Jean Ping n’avait pas franchi jusqu’à présent. Incontestablement aujourd’hui, il a franchi la ligne rouge », analyse cet ambassadeur, fin connaisseur de l’Afrique centrale.

Jean Ping a été pendant plusieurs décennies l’un des piliers du régime d’Omar Bongo avant de jouer, à la mort de ce dernier, sa propre carte, en revêtant les habits neufs de l’opposant qu’il n’a jamais été durant toute sa carrière. Arrivé deuxième de l’élection présidentielle de 2016, il continue, trois ans après, seul contre tous, à revendiquer sa victoire. Nombre de Gabonais ont une opinion mitigée à son sujet. Beaucoup le soupçonnent de s’être considérablement enrichi du temps où il était le directeur de cabinet d’Omar Bongo.