Risque pays : L’analyse à contre-temps de la Coface sur le Gabon

La Coface est un assureur-crédit basé en France © DR

A l’instar des années précédentes, l’assureur-crédit basé en France a classé, dans l’édition 2020 de son Guide risques pays et sectoriels, le Gabon dans la catégorie des pays « à risque élevé ». Certains pans de son analyse paraissent toutefois datés.

Publiée cette semaine, l’édition 2020 du Guide risques pays et sectoriels de la Coface dresse, comme chaque année, le bilan des principales menaces qui pèsent sur 162 économies dans le monde, à travers une analyse combinée d’indicateurs permettant de mesurer la frustration des populations : taux de chômage, inflation, inégalités et corruption.

Si le Gabon, selon les conclusions de l’évaluation, échappe à la catégorie D (environnement des affaires considérée comme « risque très élevé »), il figure, à l’instar des années précédentes, dans la catégorie C, celle regroupant les pays à « risque élevé ».

Selon l’assureur-crédit, les perspectives économiques du pays poussent à l’optimisme à la faveur d’une amélioration de la croissance en Afrique centrale en raison notamment du relèvement des cours du baril, mais aussi grâce aux réformes entreprises ces dernières années par les autorités pour réformer l’Etat et les finances publiques.

« L’investissement privé, en souffrance depuis 2014, devrait être un important contributeur à la croissance, jouissant des efforts des autorités pour accroître l’attrait du secteur pétrolier, et particulièrement de la révision du Code des hydrocarbures en juillet 2019. Hors pétrole, il devrait également continuer d’être dynamique dans les secteurs minier (manganèse), agroalimentaire (huile de palme, caoutchouc) et forestier (…) », explique la Coface.

Si la partie économique de l’analyse fait consensus, la partie politique, elle, est beaucoup plus discutée, voire discutable. En effet, les éléments sur lesquels se fonde l’assureur-crédit pour forger son jugement semble quelque peu datés pour les uns, exagérés pour les autres.

Datés s’agissant des risques liés à la santé du président de la République Ali Bongo Ondimba. Après un AVC survenu en octobre 2018 et une convalescence de plusieurs mois, le numéro un gabonais a repris les commandes du pays, faisant notamment le ménage à la tête de l’Etat avec l’opération anti-corruption Scorpion, et signant son grand retour sur la scène internationale en décembre dernier lors d’un Sommet qualifié d’ « historique » de la CEEAC.

Exagérés quant à l’ampleur des mouvements sociaux. « Les grèves régulières de la fonction publique témoignent déjà d’un contexte social tendu. Elles pourraient faire dévier les autorités de leurs engagements en matière budgétaire et, ainsi, détériorer la perception de la gouvernance. Au côté des infrastructures défaillantes, de l’opacité et de l’indisponibilité de l’information commerciale et de la complexité des procédures administratives, celle-ci participe d’un climat des affaires difficile (169e sur 190 pays dans le classement Doing Business 2020) », croit savoir la Coface qui pointe tout particulièrement du doigt « les délais et arriérés de paiement » de l’Etat vis-à-vis des entreprises.

Si ce dernier point est largement reconnu, y compris au sein des autorités qui tentent d’y remédier compte tenu de ses externalités négatives, le premier élément de l’analyse, lui, l’est beaucoup moins comme le montre l’actualité la plus récente, et donnant ainsi une impression de décalage par rapport à la réalité. Alors qu’un préavis de grève général avait été déposé fin janvier dernier au sujet de la réforme du Code du travail, celui-ci a été levé début février. Gouvernement et partenaires sociaux sont convenus de se mettre autour de la table pour discuter des termes de cette réforme (ce qui est actuellement le cas).

D’une manière plus générale, durant l’année écoulée, le Gabon n’a enregistré aucun mouvement social significatif. « En tout cas rien de comparable à celui des Gilets jaunes en France », commente, non sans malice, un entrepreneur franco-gabonais, actif dans l’import-export, que nous avons consulté.