RFI catégorisée par Twitter comme média financé par des fonds publics : « la fin d’une hypocrisie », estiment les journalistes africains

Au Gabon, RFI est surnommé voix de la France mais aussi voix de l'opposition. A juste titre à en juger par les statistiques © DR

En raison d’un changement de politique de classification par le réseau social Twitter depuis sa reprise en main par le milliardaire Elon Musk, les médias publics sont répartis en trois catégories : médias affiliés à l’État (« state-affiliated media »), médias financés par le gouvernement (« government-funded) et médias financés par des fonds publics (« publicly-funded media »). Une décision qui n’a pas l’heur de plaire à RFI qui continue de revendiquer une indépendance (et une objectivité) qui peinent à s’affirmer dans la réalité. 

« Le problème, c’est que cette labellisation est accordée – et possiblement retirée aussi sec – de manière arbitraire », conteste RFI dans un long article publié jeudi 20 avril sur son site internet.

La radio française est depuis peu présentée comme « financée par des fonds publics ». « Ce qui est correct : RFI, à l’instar de ses consœurs France 24 et Monte-Carlo Doualiya, ou encore de la BBC, est bien financée par une recette spécifique et affectée, et non par le gouvernement. Et cela est vrai, aussi, pour Radio France et France Télévisions », reconnait pourtant la Radio française.

Pour ce journaliste gabonais, cette décision permet de remettre les points sur les « i ». « RFI est souvent la première dans sa revue de presse à catégoriser les médias, utilisant souvent le qualificatif de ‘proche du pouvoir’ pour dénigrer certains d’entre eux. Or, tout comme RFI, ceux-ci sont financés par de l’argent public », fait observer celui qui écrit depuis une trentaine d’années dans les colonnes de L’Union. « Aujourd’hui, c’est un peu l’arroseur arrosé et surtout la fin d’une hypocrisie ».

Un point de vue partagé par un de ses confrères camerounais. « Quand Twitter a banni Donald Trump de son réseau, RFI, comme tous les grand médias occidentaux mainstream a applaudi des deux mains. Mais aujourd’hui, alors que c’est elle qui fait l’objet d’une mise au clair par Twitter, elle ne trouve pas ça normal. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures. La régulation doit valoir pour les uns et pour les autres », souligne cette plume du Messager.

Pour cet autre journaliste sénégalais qui écrit pour Le Soleil, la décision de Twitter fait office de rappel à la réalité. « RFI se perçoit comme un média indépendant, ce qui implique une forme d’objectivité et de neutralité. Mais elle est tout sauf indépendante. Quand le président Emmanuel Macron dit que RFI, à l’instar des autres médias du Groupe France Média Monde, doit davantage servir à relayer le point de vue de la France en Afrique, c’est bien le signe que RFI n’est pas imperméable aux autorités françaises qui ont le pouvoir de changer la loi, donc son mode de financement », explique celui-ci. « Quant à la neutralité et l’objectivité supposées de RFI, c’est un fantasme. Il n’y a qu’à voir la ligne éditoriale de la radio, c’est-à-dire le choix de traiter tel sujet plutôt que tel autre. Pays par pays, il peut y avoir des différences, mais globalement, on voit que la radio est mieux intentionné vis-à-vis d’un camp politique qu’un autre », constate-t-il. « On est donc loin de la neutralité auto-revendiquée. »

Le Gabon ne fait pas exception, bien au contraire. Dans ce pays, RFI, la « voix de la France » y est en réalité perçue comme la « voix de l’opposition ». Pour s’en convaincre, il suffit de d’analyser le nombre et le contenu des reportages qu’elle réalise chaque mois… en toute objectivité (lire nos articles ici et ici).

Lire également à ce sujet notre autre article : [Analyse] Ce que dit des médias français l’expulsion par le Burkina Faso des journalistes du Monde et de Libération, après ceux de RFI et France 24 – La Libreville