Fact checking : Voix de la France en Afrique, RFI est-elle aussi la voix de l’opposition au Gabon ?

Au Gabon, RFI est surnommé la voix de l'opposition. A juste titre à en juger par les statistiques © DR

L’idée est très répandue au Gabon. Pour vérifier si elle est exacte ou si elle relève du fantasme, La Libreville s’est penchée sur la production éditoriale mensuelle de RFI, c’est-à-dire les reportages réalisés par la radio durant ce mois de juin sur le Gabon. Le résultat est sans édifiant. 

Il y a la perception. Ce que les gens pensent, disent. Et il y a la réalité. Les faits, les chiffres, les statistiques.

Ce sont sur ces dernières que nous nous sommes penchés pour savoir si RFI méritait au Gabon son surnom de « voix de l’opposition ».

Pour ce faire, nous nous sommes rendus sur la page pays du site internet de la radio qui recense l’ensemble des reportages réalisés sur le Gabon durant ce mois de juin 2022 (cliquez ici).

Sur les 20 reportages réalisés, 3 portent sur le sport et 1 sur la musique. Ils doivent être mis de côté car ils ne sont pas sujets à interprétation. Tout comme les reportages « société » qui sont au nombre de 6. Ensuite, on dénombre deux reportages consacrés à l’économie. Un est à tonalité neutre ou positive (« Indiens et Gabonais discutent commerce et investissements »), l’autre est à tonalité négative (« La flambée des prix du pétrole pousse le pays à développer son économie »).

Reste donc la catégorie politique (intérieure et internationale), celle qui comprend le plus de reportages réalisés en ce mois de juin, soit 8 au total. Le résultat est… édifiant. Sur les 8 reportages dans la catégorie politique, 8 sont à tonalité négative.

2 relèvent de la catégorie « politique internationale » :

  • « Le Togo et le Gabon rejoignent le Commonwealth lors du sommet de Kigali » (dans lequel RFI qualifie Libreville de « pouvoir autoritaire ») ;
  • « Biens mal acquis: une ancienne miss France mise en examen dans le volet gabonais » 

6 relèvent de la catégorie « politique intérieure » :

  • « Gabon: des ministres accusés de détournement de fonds destinés à lutter contre le Covid-19 »
  • « Au Gabon, une dizaine de partis d’opposition reçus par la Cour constitutionnelle »
  • « Gabon: des défenseurs des droits de l’homme empêchés de rendre visite à des détenus »
  • « Gabon: les retraités manifestent après un retard de paiement de leur pension »
  • « Gabon: les appels à la libération de Jean-Rémy Yama se multiplient »
  • « Gabon : le Redhac demande la libération de Brice Laccruche Alihanga »

L’avantage avec les faits, c’est qu’il se passe de longs commentaires. Quelques observations tout de même.

Un média impose ses vues, non pas tant à travers le traitement de telle ou telle actualité en particulier, mais à travers ses choix éditoriaux. Quelle actualité choisit-il de mettre en avant ou détriment de tel autre. C’est par ce moyen, plus subtile que le traitement en lui-même d’une information, qu’il impose ses vues, fait valoir ses opinions. Dans le cas de RFI, le constat est évident.

« Je suis le premier à le regretter mais RFI n’est plus le grand média d’information qu’il a été il y a encore quelques années. Le problème, je crois, tient au fait que RFI, comme nombre de médias, se conçoit d’abord comme un contre-pouvoir. La radio se place spontanément du côté de ceux qui s’opposent au pouvoir en place, c’est-à-dire l’opposition, oubliant au passage leur rôle premier : celui d’informer », décrypte celui qui fut ces dix dernières années plusieurs fois ministres et qui est connu pour son caractère modéré.

Et celui-ci de citer cette règle d’or du journalisme énoncé par Pierre Lazzaref, le fondateur de France Soir, « le point et le contre-point », c’est-à-dire le fait de répercuter différents points de vue, « souvent absent des reportages sur RFI ».

A cet égard, le dernier reportage consacré au Gabon par la radio française, « Gabon: des ministres accusés de détournement de fonds destinés à lutter contre le Covid-19 », diffusé le 25 juin, est symptomatique. Sous couvert de donner une information (la volonté d’un groupuscule de citoyens non-représentatifs de porter plainte au sujet de la gestion Covid), on jette en pâture à l’opinion publique des ministres. « Où est l’information dans tout ça ? », s’interroge l’un d’entre eux. « C’est de la diffamation pure et simple. » A aucun moment dans ce reportage, la parole n’est donnée au gouvernement. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose, disait le grand philosophe anglais Francis Bacon. Peut-être était-ce en l’espèce le but recherché », s’interroge un autre.

Car contrairement à ce que sous-entend le reportage de RFI, le rapport Deloitte valide la gestion Covid-19 par les autorités. Et celles-ci ont répondu avec clarté aux quelques questions soulevées (lire notre article). C’est la raison pour laquelle le FMI, pas plus tard que cette semaine, a réitéré sa confiance dans les autorités gabonaises et débloqué une deuxième tranche de prêt pour un montant de 155 millions de dollars (lire notre article).

Il n’y a pas de mal, loin s’en faut, à être un média d’opinion. Encore faut-il l’assumer ouvertement. Et non se cacher derrière le journalisme pour faire du militantisme.