Pétrole : Fini le temps où le Gabon se pliait aux injonctions des compagnies pétrolières

La junior pétrolière Maurel et Prom est une filiale à près de 73 % de l'indonésien Pertamina © DR

La Gabon Oil Company vient de remporter en justice à Paris une première manche face à Maurel & Prom perd une première manche. Un épisode qui illustre la volonté, nouvelle, de la part de Libreville, de défendre bec et ongle ses intérêts. Et avec eux, l’argent du contribuable gabonais. 

La compagnie pétrolière Maurel & Prom, filiale de l’indonésien Pertamina, et la Gabon Oil Co s’affrontent sur plusieurs fronts au sujet de plus de 43 millions de dollars. L’une des procédures s’est soldée par la victoire de la société d’Etat gabonaise devant le tribunal de Paris.

Maurel & Prom a perdu la semaine dernière une première manche dans sa procédure lancée contre la société d’Etat Gabon Oil Co (GOC) au tribunal judiciaire de Paris. « M&P voulait qu’une somme de 43,3 millions de dollars, logée sur un compte séquestre de la banque Natixis et correspondant à des coûts passés sur le champ d’Ezanga, lui soit immédiatement versée. La GOC, qui conteste la méthode de calcul de ces coûts par M&P, souhaitait l’auditer avant d’effectuer le moindre paiement, et a donc obtenu gain de cause », informe La Lettre du Continent dans sa dernière livraison. Cerise sur le gâteau pour Libreville, le tribunal de Paris a, par surcroit, condamné M&P à payer 10 000 euros à la GOC au titre des dépens (frais de justice engagés).

Pour trancher cette affaire sur le fond, un arbitrage a été lancé en 2020. Le tribunal arbitral devra « se prononcer sur le bien-fondé du versement de la somme de 43,3 millions de dollars et, le cas échéant, vérifier que son montant correspond bien à des frais engagés par M&P avant que GOC ne fasse son entrée sur Ezanga », informe La Lettre du Continent.

Changement de ligne à Libreville

La Lettre spécialisé ajoute que « malgré des tentatives de conciliation effectuées par les conseils des deux parties durant plusieurs mois, Libreville et Maurel & Prom n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une sortie de crise en dehors des tribunaux ». Et pour cause, comme elle le précise, « le Gabon ne souhaite pas faire le moindre cadeau aux pétroliers sur place ».

« Cette affaire aurait été impensable il y a quelques années. Un accord à l’amiable aurait été trouvé », souffle une source dans l’industrie du pétrole, « qui n’aurait pas nécessairement été aussi favorable aux intérêts du pays », reconnait-elle aussitôt.

C’est là que réside le vrai changement. « Depuis fin 2019 et l’arrivée d’une nouvelle équipe à la Présidence, le climat a changé. Les relations entres les compagnies pétrolières et l’Etat gabonais sont plus formelles et plus conformes au droit », confirme un directeur d’une compagnie depuis Port-Gentil. « En clair, c’est la fin des petits arrangements entre-soi », décrypte un fin connaisseur du secteur de l’or noir au Gabon.

Désormais, les autorités du pays sont fermement déterminés à défendre bec et ongle le moindre denier public. « Aucun argent ne sortira indument des caisses de l’Etat. Nous défendrons l’intérêt général et du contribuable gabonais mordicus. Nous l’avons démontré avec la task force sur la dette intérieure. Nous le démontrerons également vis-à-vis de toutes les entreprises, quels que soient leur taille, leur nationalité, leur secteur ou encore l’identité de leur dirigeant », assène, déterminée, une source au Palais du Bord de mer.

Décidément, il faut s’y faire, à Libreville, le climat a, en très peu de temps, décidément bien changé.