Lutte contre les fake news au Gabon : Quatre leaders syndicaux interpellés suite à des déclarations mensongères sur Ali Bongo

Le ministre de l'Intérieur et de la Justice gabonais, Edgard Anicet Mboumbou Miyakou, reçu jeudi 11 juillet par le président Ali Bongo Ondimba, est semble-t-il décidé à lutter contre la propagation des fausses nouvelles qui gangrènent le débat public © DR

Ces interpellations sonnent la fin de l’impunité face à des déclarations qui ne relèvent en rien de la liberté d’expression et qui sont de nature à troubler l’ordre public, selon le bureau du procureur. 

Est-ce la fin d’un certain laxisme et d’une forme d’impunité au Gabon face à ceux qui distillent sciemment des fake news ?

Cette semaine, quatre responsables de la confédération syndicale Dynamique Unitaire ont été interpellés par les forces de police judiciaire suite à un mandat délivré par l’autorité judiciaire, « conformément aux règles de procédure en la matière », précise-t-on du côté du bureau du Procureur de la République. « Parler  »d’enlèvement » comme l’a fait Dynamique Unitaire dans son communiqué vendredi 12 juillet et non seulement faux mais irresponsable », souligne-t-on.

Les personnes interpellées sont toutes membres de Dynamique Unitaire. Il s’agit de Simon Ndong Edzo, Sylvie Nkogue Mbot, Jean Bosco Boungoumou Boulanda et Ghislain Malanda.

Ces interpellations font suite aux déclarations à l’emporte-pièce du leader de DU, Jean Rémy Yama, lors d’une conférence de presse le 2 juillet dernier. « Ali Bongo Ondimba est mort, il n’existe plus », avait-il déclaré au moment même où le chef de l’Etat était apparu en pleine forme à deux reprises en l’espace d’une semaine dans les rues de Libreville et où il a reçu au Palais du Bord de mer une quinzaine de chefs d’Etat depuis le début du mois de mai.

Depuis, M. Yama fait l’objet de poursuites de la part du ministère de la Justice. Pour échapper à son courroux, il est en fuite depuis une dizaine de jours, probablement à l’étranger (lire notre article).

Pour la première fois depuis près de dix mois, les autorités gabonaises ont fait preuve de réactivité, semblant résolues à sanctionner les déclarations mensongères, proférées par des responsables publics qui pullulent depuis la fin du mois d’octobre dernier, date à laquelle Ali Bongo Ondimba a été victime d’un probable AVC, dont il s’est remis depuis. Des déclarations loin d’être anodines qui ont pour vocation à créer des troubles graves à l’ordre public, selon les autorités.

« La liberté d’expression ne va pas jusqu’à dire n’importe quoi »

Pour ce professeur de droit de l’UOB, il était temps pour les autorités de réagir. « Il n’était pas possible de cautionner de tels propos qui sont sans rapport aucun avec la réalité et, pour le dire plus directement, purement mensongers. Aucun Etat ne peut tolérer que des dirigeants de premier plan usent de tels procédés dans le débat public car les conséquences peuvent être graves. Ailleurs en Afrique et même en Europe, y compris en France, de telles déclarations auraient été sévèrement sanctionnées. Pourquoi ne le seraient-elles pas au Gabon ? », fait mine de s’interroger l’universitaire, qui comprend difficilement le laxisme et l’impunité qui a prévalu, selon lui, jusque-là en la matière. « La liberté d’expression ne va pas jusqu’à dire n’importe quoi, et surtout pas des mensonges », ajoute-t-il.

Il y a quelques jours, un haut-diplomate sénégalais confiait sa stupeur face à ce qu’il percevait jusqu’à présent comme un manque de réactivité des autorités face à la propagation des fake news.

« Au Sénégal, les propos tenus par (M. Jean Rémy Yama) auraient été inimaginables. Il y a chez nous un principe : celui d’offense au chef de l’Etat, consacré par l’article 80 du code pénal. Il vaut pour les personnalités comme pour les médias qui proféreraient ou relaieraient de tels propos. Au Gabon, vous n’avez pas cela, constatait-t-il, ajoutant qu’ « il faudrait peut-être songer à y remédier » (lire notre article à ce sujet).

Fort heureusement pour certains, la prise de conscience semble générale au Gabon. La Haute Autorité de la Communication (HAC), le régulateur des médias au Gabon, semble elle aussi décidé à mettre un terme à la confusion qui s’est peu à peu installée dans les médias sur internet entre liberté d’informer, qu’il convient de sanctuariser, et l’activité consistant sous couvert d’information, à relayer des propos purement mensongers sans les avoir auparavant confrontés à la réalité (lire notre article).

« Relayer un propos mensonger, sans vérification aucune, ni recoupement, ne relève en rien de l’activité journalistique. Or, ces derniers mois, on observe chez certains sites internet qui se présentent comme des médias, une dérive inquiétante de ce point de vue. Le fait pour ceux-ci de s’affranchir aussi allègrement du respect des règles professionnelles et de la déontologie journalistique est un phénomène inquiétant pour la démocratie », confie un membre de la HAC. « Il est temps de mettre fin à l’impunité de la part de ceux qui profèrent ou relaient des fausses nouvelles et tentent ensuite de se victimiser et de se protéger en invoquant, à tort, la liberté d’expression ou le droit d’informer », confesse-t-il.