[Interview] Patrick Eyogo Edzang : « il n’y a eu aucune brutalité lors de la réquisition de la SEEG. Tout s’est très bien passé. »

Patrick Eyogo Edzang, le minitre de l'Eau et de l'Energie au Gabon, est en première ligne sur le dossier de la SEEG / Veolia.

Vendredi 16 février en fin d’après-midi, le gouvernement gabonais a procédé à la réquisition de la SEEG après avoir rompu unilatéralement le matin même la convention de concession le liant à la SEEG, pour cause de défaillances graves et répétées dans la fourniture du service de l’eau et de l’électricité. Une décision dénoncée par l’entreprise française Veolia, maison mère de la SEEG. Mais que dit le droit à ce sujet ? Et comment s’est réellement passée, dans les faits, cette réquisition ? Patrick Eyogo Edzang, le ministre de l’Eau et de l’Energie du Gabon, qui est en première ligne sur ce dossier, a répondu à nos questions.

La Libreville : Le gouvernement gabonais avait-il le droit d’opérer la réquisition de la SEEG ? Et y a-t-il eu « brutalité » et « usage disproportionné de la force » à l’occasion de cette réquisition, comme l’a indiqué Veolia ?

Patrick Eyogo Edzang : « Il faut raison garder car beaucoup de choses fausses ont été dites à ce sujet. Nous avons procédé dans le strict cadre du droit. D’abord, comme la loi l’exige, il y a eu dépôt préalable d’une lettre de résiliation de la convention de concession par voie d’huissier, qui est un agent assermenté, auprès de la direction de la SEEG. L’ensemble des formes requises en l’espèce ont été respectées. Puis, nous avons réquisitionné ladite société en présence des forces de l’ordre qui, je le précise à nouveau, n’étaient pas armées mais étaient là à titre préventif, pour assister l’huissier en cas de besoin. »

LBV : Auriez-vous pu vous passer des forces de l’ordre pour opérer cette réquisition ?

PEE : « C’est une disposition de bon sens, tout à fait normale en pareille circonstance, car vous ne pouvez pas anticiper les réactions, d’une part, du management sortant, d’autre part, des employés. Le climat à l’intérieur de la SEEG était délétère. Il nous fallait donc prendre nos précautions pour, le cas échéant, assurer la protection de la nouvelle direction de la SEEG. Ne pas agir ainsi aurait été irresponsable de notre part. Mais, je le dis et le répète, contrairement à ce que j’ai pu entendre ça ou là, il n’y a eu aucune brutalité [NDLR : les agents des forces de l’ordre n’étaient pas armées]. Tout s’est très bien passé. »

LBV : Retour sur la décision initiale. Quand et pourquoi a été prise la décision de rompre unilatéralement la convention de concession avec la SEEG / Veolia ?

PEE : « C’est une décision qui a été mûrement réfléchie et qui répond à un certain nombre de griefs que nous avons constaté dans les rapports contractuels que nous avons depuis vingt ans avec Veolia, en particulier l’insuffisante qualité de service de fourniture d’eau et d’électricité. Je tiens d’ailleurs à rappeler que le mécontentement des consommateurs allait croissant ces derniers mois. La convention de concession précédente était arrivée à terme en juin 2017. Nous l’avions alors prolongée pour une durée de cinq ans. Depuis, nous avions ouvert des négociations afin de nover le contrat de concession en contrat d’affermage, un mode opératoire plus efficace et plus moderne. Malheureusement, ces négociations n’ont pas abouti. »

LBV : Du coup, pourquoi avoir décidé d’opérer une réquisition ?  

PEE : « Nous avons été contraints de procéder à la réquisition de la SEEG pour raison d’intérêt général car les services qu’est censée rendre cette entreprise aux usagers gabonais – la fourniture d’eau et d’électricité – sont absolument nécessaires à leur quotidien. Malheureusement, les investissements que la SEEG a réalisé durant les vingt dernières années n’ont pas suffi à enrayer les insuffisances constatées. Nous avons donc été contraint de prendre la décision, passez-moi l’expression, de divorcer. Même si, comme dans tout couple, ce n’est facile ni pour l’un ni pour l’autre. Mais c’était un mal nécessaire. »

LBV : Faut-il craindre davantage de coupures d’eau et d’électricité dans les jours à venir ?

PEE : « Absolument pas. Je tiens à rassurer totalement la population sur ce point. Vous avez d’ailleurs pu vous même le constater depuis deux jours, il n’y a pas eu d’interruption du service public. Les Gabonais continueront d’être approvisionnés en eau et en électricité. Nous allons bientôt mettre en place un nouveau process pour répondre aux différentes complaintes dans la délivrance du service de fourniture d’eau et d’électricité et en améliorer aussi rapidement que possible la qualité. »

LBV : Les employés de la SEEG auront-ils à pâtir de cette situation ?

PEE : « Ici aussi, je serais catégorique : absolument pas. Je tiens à rassurer une fois de plus le personnel de la SEEG : il n’y aura aucun licenciement suite à cette réquisition. Ce que nous voulons, c’est donner satisfaction aux Gabonais qui sont en droit d’attendre un service convenable car l’eau et l’électricité touchent directement à la qualité de la vie au quotidien des populations. Nous avons beaucoup de travail pour y parvenir mais nous sommes déterminés à relever ce challenge. »