Grève au Gabon : le coup de téléphone de Jean Ping à Jean Rémy Yama

Le président de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR), Jean Ping © DR

Cette conversation entre l’opposant et le syndicaliste a eu lieu hier soir alors que la confédération syndicale a appelé, depuis lundi, les 100 000 fonctionnaires gabonais à une grève d’avertissement de trois jours. 

Jean Ping et Jean Rémy Yama font face à une difficulté commune : mobiliser les Gabonais dans la rue. Or ni l’un ni l’autre ne semblent avoir trouvé la formule magique pour y parvenir.

Comptant sur les ennuis de santé du président Ali Bongo pour relancer leurs combats, l’opposant et le syndicaliste peinent à galvaniser leurs troupes.

Il y a deux semaines, Jean Ping et ses lieutenants ont appelé les Gabonais à manifester aux quatre coins du pays. La semaine dernière, c’est sur l’ambassade du Maroc à Libreville que les lieutenants du président de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR) ont appelé leurs partisans à marcher. Mais ces appels sont restés lettres mortes.

Idem pour Jean Rémy Yama. Dynamique Unitaire, dont il est le président, a appelé à une grève préventive de trois jours à partir d’hier lundi pour officiellement protester contre les mesures d’austérité prises par le gouvernement. Or, la mobilisation ce lundi a été jugée très décevante. Moins d’1 % des fonctionnaires se sont mobilisés. Diverses sources concordantes évoquent 150 à 200 fonctionnaires grévistes.

Pour la confédération syndicale, il s’agit d’un camouflet. Cependant, cette faible mobilisation est tout sauf une surprise pour ce spécialiste des mouvements sociaux au Gabon. « Dynamique Unitaire a clairement un problème de ligne, d’agenda. Nombreux sont ses militants à reprocher aux dirigeants du mouvement de faire de la politique plutôt que du syndicalisme. Il est vrai que ceux-ci ont d’abord appelé à protester contre la décision de la cour constitutionnelle du 14 novembre dernier avant de se rétracter partiellement et de justifier les grèves d’aujourd’hui par les mesures d’austérité. Mais tout ça n’est pas clair et la base est déconcertée ».

« Jean Ping comptait sur les grèves des syndicats pour faire vaciller le régime »

Reste que Jean Rémy Yama n’est semble-t-il pas prêt, malgré les remontrances des militants, à renoncer au mélange des genres entre syndicalisme et politique. Hier soir, il a reçu un appel de Jean Ping. Les deux hommes ont échangé durant « dix bonnes minutes », selon plusieurs sources dans l’entourage du syndicaliste. Peu de choses ont filtré de cet entretien. « On sait cependant que Jean Ping a posé la question de la mobilisation », indique l’une d’entre elles.

« Peut-être ont-ils évoqué ensemble la stratégie à suivre dans les prochains jours ? », spécule une autre. « L’opposant n’étant pas parvenu à mobiliser ses partisans dans la rue, il comptait en effet sur les grèves des syndicats pour tenter de bloquer le pays et faire vaciller le régime à un moment où celui-ci est affaibli par l’absence d’Ali Bongo », explique un professeur en science politique de l’UOB.

Jean Ping et Jean Rémy Yama sont très proches. En juillet dernier, le premier avait financé à hauteur de 18,5 millions de FCFA le déplacement à Paris du second. Un geste qui fait dire à de nombreux observateurs que Dynamique Unitaire serait le cheval de Troie de la Coalition pour la Nouvelle République.