Gabon : Un reportage controversé de RFI fait polémique

RFI est souvent pointée du doigt pour sa couverture jugée partiale de l'actualité politique au Gabon © DR

La radio française, réputée pour sa ligne critique à l’égard de Libreville, a diffusé ce samedi un reportage controversé sur la signature du président gabonais lors du sommet extraordinaire de la CEEAC le 18 décembre dernier. 

Elle est coutumière du fait. Ce samedi, RFI a diffusé sur ses ondes un reportage sur le Gabon. S’agissait-il du discours de politique générale du premier ministre hier vendredi ? Ou bien de l’arrestation ces dernières heures d’Alexis Ndouma, un hommes d’affaires proche du pouvoir, soupçonné de viol sur mineur ? Point du tout. Ces sujets, qui sont au cœur des débats d’actualité au Gabon, ne présentent manifestement pour RFI, dont le siège est à Paris (France), qu’un intérêt modéré.

Non, la radio préfère parler d’un sujet autrement plus fondamental, un sujet qui serait à l’en croire, à l’origine d’ « une polémique » qui « ne désenflerait pas » : « la signature d’Ali Bongo apposée sur le document officiel sanctionnant les travaux du sommet de la CEEAC ». Une signature hésitante, que certains qualifie(raie)nt même de gribouillis », s’empresse aussitôt d’ajouter RFI.

Dans le microcosme politico-médiatique gabonais, on ne se dit nullement surpris par un tel choix éditorial. « Avec tous les sujets qu’il y a à traiter ici, RFI choisit de discuter du sexe des anges, autrement dit d’un sujet purement anecdotique », glisse un ministre de poids, qui fut longtemps porte-parole du gouvernement.

Un autre, titulaire plus récemment du porte-parolat au sein de l’équipe gouvernementale, se fait plus mordant. « Chacun ici connait l’atavisme de RFI. Comme chez la plupart des médias occidentaux, leurs journalistes conçoivent avant tout leur rôle comme celui d’un contre-pouvoir. Il s’agit donc, pour eux, au premier chef, non pas d’informer, mais de s’opposer au pouvoir en place. Ce faisant, ils se font moins journalistes que procureurs », déplore, mi-amusé mi-désabusé, ce ministre.

Ce journaliste du quotidien institutionnel L’Union, qui connait parfaitement le paysage médiatique gabonais et sa mécanique, avance lui une autre explication. « Tout ça fonctionne sur la base du copinage », campe-t-il d’emblée. « Chacun ici connait les liens entre les journalistes qui traitent du Gabon à Paris et certains activistes gabonais. Ces derniers ne se privent d’ailleurs pas pour s’en vanter. Ils échangent régulièrement et, au file du temps, il y a une sorte de pression affective qui est exercée et qui pousse les journalistes, depuis Paris, à traiter de certains sujets qui n’ont sont pas du tout dans l’agenda au Gabon », explique ce confrère, aussi avisé qu’expérimenté.

De fait, au Gabon, personne n’est dupe au sujet de cette « polémique ». Celle-ci n’existe en réalité que sur les réseaux sociaux et dans le cercle très restreints des activistes dont la mécanique, bien rodée, est parfaitement connue. « Ces personnes font des tweets ou des posts sur les réseaux sociaux. Ils appellent ensuite les journalistes amis au sein des médias français, et c’est ainsi que leur lubie se retrouve dans l’agenda médiatique », décrypte notre journaliste de L’Union.

Cette stratégie est en particulier utilisée par le collectif Appel à agir. Pour compenser son manque de représentativité et, partant, de légitimité politique (ceux qui ont tenté de se faire élire lors des élections législatives d’octobre 2018, à l’instar de Jean Gaspard Ntoutoume Ayi ou de Nicolas Nguema, ont tous été sèchement battus dès le premier tour), ce collectif d’une dizaine d’opposants tente de monopoliser l’agenda médiatique. Or, il est plus facile de leurrer un journaliste à Paris qu’à Libreville, le premier étant moins à même de juger de l’importance d’un événement ou du poids politique d’un intervenant.

Perte de crédibilité 

Autrefois très respectée au Gabon, la radio RFI est régulièrement indexée pour sa couverture jugée partiale du pays ou son parti marqué en faveur de l’opposition (lire notre article). Fin août, l’accréditation du correspondant de RFI au Gabon avait été temporairement retirée pour diffusion de fausses nouvelles (lire notre article). Celui-ci avait affirmé dans son reportage que le président de la République ne s’était levé à aucun moment lors du défilé militaire sur le boulevard de l’Indépendance le jour de la fête nationale gabonaise le 17 août dernier. Une affirmation totalement erronée, le chef de l’Etat gabonais s’étant levé à une quinzaine de reprises comme l’ont attestées les vidéos prises à cette occasion (lire notre article), qui érode la crédibilité de RFI et questionne sa neutralité.

Plus récemment, le 26 novembre dernier, RFI s’était empressé de relayer les propos de Me Anges Kevin Nzigou qui avait affirmé avoir reçu dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 novembre la visite d’un « commando » venu l’arrêter. Des allégations qui ne reposaient sur aucun élément matériel ni aucun témoignage, si ce n’est les dires de l’intéressé et qui a depuis été catégoriquement démenties. Ce qui n’a pas empêché RFI le lendemain de relayer l’ « information » (lire notre article). Coïncidence sans doute : Anges Kevin Nzigou est également membre du collectif Appel à agir pour lequel RFI semble décidément avoir les yeux de Chimène.