Gabon : Polémique au sujet du montant de la dette intérieure estimé par le FMI

Le siège du FMI (IMF en anglais) à Washington DC, la capitale des Etats-Unis © DR

Au terme d’un audit rigoureux et bien plus poussé que celui effectué il y a quelques mois par le FMI, la taskforce sur la dette intérieure a conclu, en accord avec les entreprises intéressées, à un montant de dette nettement inférieur à celui validé par le FMI avec le concours du cabinet comptable PricewaterhouseCoopers.

Le FMI aurait-il surévalué le montant de la dette intérieure au Gabon ?

La polémique commence en tout cas à enfler dans le pays.

La cause ? Le contre-audit réalisé par la taskforce sur la dette intérieure, mise sur pied en juin 2020.

Composée d’une équipe pluridisciplinaire de très haut niveau (responsables de l’administration du Trésor, des Impôts, du Budget, d’agents judiciaires de l’Etat, du Parquet de la République et de conseillers techniques des différents ministères concernés), celle-ci a adopté une méthodologie bien plus rigoureuse.

Au contraire du cabinet PriceWaterHouse qui n’a réalisé qu’un inventaire sur pièces des dettes de l’Etat, la taskforce, dont le travail est toujours en cours, va plus loin. Celle-ci se déplace en effet sur le terrain pour y faire des vérifications, c’est à dire s’assurer de l’existence de contreparties réelles en termes de fourniture de prestations. En outre, la taskforce vérifie, conformément aux lois en vigueur, que les entreprises sont à jour dans le paiement de leurs impôts et charges sociales.

Près de 241 milliards de francs CFA ont été annulés sur les 370 milliards audités

Résultat : près de 241 milliards de francs CFA ont été annulés sur les 370 milliards audités à ce stade, ce qui présente environ 70 % du montant total de la dette intérieure revendiquée. Un montant largement supérieur à celui auquel le FMI avait conclu quelques mois plus tôt.

Pour l’essentiel, l’abandon de ces créances est motivé par la passation de marché non conforme (plus de 90 % des marchés ont été passés en gré à gré, au mépris des règles de passation des marchés publics, et par des personnes qui n’en avait pas le pouvoir), ou encore en raison de surfacturations évidentes, de travail non effectué (inexistence de contreparties réelles), de fraude fiscale (non paiement d’impôts) et sociale (non paiement des cotisations auprès de la CNSS, de la CNAMGS), etc.

Autant d’éléments que le FMI, via le cabinet PWC, qui n’a pas adopté la même méthodologie, n’a pas pris en compte.

Pour ce spécialiste, l’écart entre la taskforce et le cabinet PWC engagé par le FMI n’a rien de surprenant. « Les autorités ont souvent une connaissance plus fine, plus intime des pratiques dans leurs pays. Elles savent par ailleurs se déplacer sur le terrain pour aller y chercher toute l’information nécessaire. Du coup, leurs conclusions sont souvent plus proches de la réalité », explique cet économiste, spécialisée en finance internationale.

De leur côté, les autorités gabonaises se disent déterminées à payer dans les meilleurs délais toutes les dettes que l’Etat a contracté, mais seulement celles qu’il a valablement contracté. « C’est l’intérêt du contribuable que nous défendons. Et nous devons d’autant plus le faire que nous sommes en période de crise et que nous devons être particulièrement précautionneux dans l’usage des deniers publics. Que dirait-on si nous ne le faisions pas ? », fait mine de s’interroger l’un des membres de la taskforce.

« Pour ce faire, il faut absolument faire le départ entre la dette réelle qui sera réglée en toute diligence et la dette fictive dont il serait anormal de s’acquitter », insiste un autre membre de cette taskforce.

Pour preuve, l’Etat gabonais, via le Trésor, a récemment débloqué 4 milliards au profit des petites entreprises, dont les créances ont été qualifiées, pour leur permettre de traverser la période difficile économiquement.

Au Palais du Bord de mer, très allant sur le sujet, on souligne que la question de la réalité de la dette intérieure est un sujet majeur. « Le président Ali Bongo Ondimba a la volonté d’assainir les finances publiques, d’étendre la transparence et la bonne gouvernance et la volonté de faire tenir à l’Etat ses engagements », indique une source au sein de la Présidence. « Mais », précise-t-elle aussitôt avec un accent de fermeté, « tout en luttant contre la fraude ».