Au Gabon, l’opposition tourne peu à peu la page « Jean Ping »

Le leadership de Jean Ping est désormais ouvertement contesté par Alexandre Barro Chambrier et les autres leaders de l'opposition au Gabon @ DR

Certains ont rejoint le gouvernement. D’autres ont décidé de participer aux législatives, malgré les appels au boycott du leader de la CNR. Au Gabon, tous les opposants conçoivent désormais leur avenir sans Jean Ping.

2016, c’était il y a une éternité. Pourtant, il y a deux ans, presque jour pour jour, Jean Ping parvenait à faire l’union de l’opposition sur son nom pour affronter Ali Bongo Ondimba lors d’une élection présidentielle âprement disputée. Depuis, le front uni de l’opposition gabonaise s’est largement lézardé sur fond de querelles d’égo et de divergences stratégiques.

Il y a d’abord ceux, et non des moindres, qui ont décidé de rejoindre le gouvernement. Sept au total. Parmi eux, figure Michel Menga, le secrétaire général du Rassemblement Héritage et Modernité (RHM), le parti d’Alexandre Barro Chambrier, et désormais ministre d’Etat chargé de l’Habitat qui dit vouloir se rendre utile à son pays. « La stratégie d’obstruction de l’opposition qui dépeint le Gabon à longueur de journée comme la pire dictature au monde a vécu. Ça ne marche pas. Il faut passer à autre chose », confesse-t-il posément avant d’ajouter : « j’entre au gouvernement pour être constructif et aider le pays à se développer. Notre ennemi n’est pas Ali Bongo. C’est la mauvaise gouvernance. Maintenant que nous sommes en fonction, nous avons la capacité de changer les choses », fait observer sereinement cet homme réputé pour être stakhanoviste et intransigeant.

« Avec Jean Ping, nous tournions en rond depuis deux ans »

Autre recrue récente au sein du gouvernement issue des rangs de l’opposition, David Mbadinga. Le fondateur de l’Union des Patriotes Gabonais Loyalistes (UPLG) et désormais ministre du Commerce confesse, lui, aussi son trouble face à la stratégie de plus en plus radicale de l’opposition. « On a pu donner l’impression à un moment donné qu’on était prêt à sacrifier le pays pour faire chuter le pouvoir. Moi, je ne veux pas de ça. Je veux que le Gabon réussisse. Pas dans cinq ans, ni même trois ans, mais aujourd’hui », se justifie-t-il.

Même son de cloche du côté de Moukagni Iwangou, fraîchement nommé ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur. « Entrer au gouvernement n’est en rien un renoncement. Dans le contexte actuel, ce n’est pas passer du côté de la majorité. C’est prendre part au pouvoir exécutif », a déclaré le leader du parti d’opposition Union et Solidarité (US), un proche de feu Pierre Mamboundou, dans les colonnes de Jeune Afrique. Cet ancien soutien de Jean Ping est désormais très critique à son endroit. « Nous tournions en rond depuis deux ans. Ping et ses amis contestent la réélection d’Ali Bongo Ondimba. Ça ne pouvait pas continuer ainsi », a-t-il confié, toujours à Jeune Afrique.

« Nous n’allons tout de même pas éternellement nous sacrifier pour les beaux yeux de M. Ping ! »

Un point de vue désormais largement partagé au sein de l’opposition gabonaise où l’on se plait à relever l’âge du capitaine Ping : 76 ans en novembre prochain. Et pas seulement par la frange qui a rejoint le gouvernement. Mais aussi par celle qui a décidé de participer aux élections législatives du 6 octobre prochain alors même que Jean Ping appelle à leur boycott. Or les partisans du non-boycott sont bien plus nombreux (RHM, UN, Les Démocrates, etc.) que ceux qui suivent le mot d’ordre de non participation lancé par Jean Ping et qui se comptent désormais sur les doigts d’une main (Jean Eyeghe Ndong, Fabien Mere et les membres du CNR issus de la diaspora).

« Pour Jean Ping, participer aux législatives, c’est légitimer les institutions et donc la présidentielle de 2016. Mais ce combat n’est plus d’actualité. Nous n’allons tout de même pas éternellement nous sacrifier pour les beaux yeux de M. Ping ! », s’indigne un proche d’Alexandre Barro Chambrier.

Un point de vue partagé au sein de l’Union Nationale, un autre autre grand parti de l’opposition. « Jean Ping ne participera pas aux élections législatives. Il a décidé de les boycotter contrairement à une majorité de partis de l’opposition. Son autorité est éreintée », explique l’un des responsables de l’UN avant de lâcher : « Ping sera invisible lors de ce combat électoral. C’est pourquoi il doit passer la main à ceux qui ont choisi de se battre et qui occuperont le devant de la scène durant les prochaines semaines. »

Des propos qui ne souffrent aucune ambiguïté. La course au leadership au sein de l’opposition gabonaise est bel et bien lancée.