Gabon : Les vraies raisons du départ d’Alexandre Désiré Tapoyo du PDG

C'est moins par conviction que pour des raisons personnelles que l'ex-ministre Alexandre Désiré Tapoyo a démissionné du PDG © DR

Dans une lettre datée de mardi 24 septembre, circulant depuis sur les réseaux sociaux, l’ancien ministre annonce son départ du Parti démocratique gabonais. Une décision qui intervient à rebours de la tendance actuelle, tant la formation présidentielle n’a jamais été aussi attractive du côté de la majorité comme de l’opposition. La Libreville vous explique pourquoi.  

Hier, l’ancien ministre des Droits Humains, de l’Egalité des chances durant le premier mandat présidentiel d’Ali Bongo Ondimba et ancien président du conseil d’administration de la Société gabonaise des transports (Sogatra) a fait part, par courrier, de sa démission du PDG, parti auquel ce transfuge du Centre des libéraux réformateurs (CLR), une formation membre de la majorité, avait adhéré en septembre 2017.

Déjà, le 7 août dernier, il avait adressé une missive au directeur de cabinet du Président de la République, Brice Laccruche Alihanga, au Premier ministre, Julien Nkoghe Bekalé, et au président de l’Assemblée nationale, Faustin Boukoubi.

Officiellement, M. Tapoyo justifie sa décision par des raisons pour le moins obscures… « Des ombres se profilent à l’horizon, avec la ferme intention de détruire l’oeuvre de construction nationale issue de plusieurs vies et de plusieurs générations », écrit-il, élusif.

Mais officieusement, cette démission n’a, semble-t-il, que peu à voir avec ses convictions politiques. C’est en effet une double déception personnelle, en février, puis en juin dernier, qui a poussé Alexandre Désiré Tapoyo à prendre la plume.

En février dernier, après avoir été élu conseil municipal à Libreville, l’ex-ministre avait souhaité devenir maire adjoint et obtenir une importante délégation. Or, ses exigences n’ont pas été satisfaites. Rebelote en juin dernier. Au moment de la nomination du nouveau gouvernement de Julien Nkoghe Bekalé, Alexandre Désiré Tapoyo fait des pieds et des mains, multiplient les coups de fil pour tenter de décrocher un maroquin. Las, ses espoirs seront également déçus.

« Ça n’est pas pour des raisons de fond ou de conviction mais pour des motifs d’intérêt personnel qu’Alexandre (Désiré Tapoyo) a choisi de démissionner, explique, quelque peu gêné, l’un de ses camarades qui siégeait jusque-là à ses côtés au conseil municipal de Libreville, conseil auquel l’ex-ministre a également annoncé qu’il démissionnait. « Il estime qu’il n’a pas été récompensé suite à son ralliement », confirme un de ses proches qui, à titre personnel, dit regretter une telle décision.

D’autres ne se disent nullement surpris par une telle attitude, comme cet ancien ministre aux côtés duquel il a siégé au gouvernement. « Alexandre est quelqu’un de sanguin. Il est coutumier du fait. A l’issue de l’élection présidentielle de 2016, il avait claqué la porte du Cercle des Libéraux réformateurs pour rallier le PDG, rappelle celui-ci, en précisant qu’ « à l’époque déjà, il en escomptait une gratification », qui n’est semble-t-il jamais venue. Un autre ex-ministre, plus sévère, pointe du doigt son « inconstance » et son « opportunisme ».

Une décision à contre-courant

La décision d’Alexandre Désiré Tapoyo intervient au moment où l’unité du PDG n’a jamais été aussi forte ces dernières années. Les dissensions qui pouvaient exister au sein du parti ont largement été estompées. « Ceux qui étaient en rupture de ban ont fini par rentrer dans la bergerie », constate un haut cadre du parti.

C’est le cas notamment de l’ancien premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, de l’ex-ministre du Pétrole, Etienne Dieudonné Ngoubou, ou encore de l’ex-ministre de l’Eau et de l’Energie, Patrick Eyogo Edzang, etc.

Désormais, même les proches de Maixent Accrombessi se sont rangés derrière Brice Laccruche Alihanga, gardien des intérêts du président de la République, Ali Bongo Ondimba, qui vient d’effectuer une tournée remarquée dans les différentes provinces du pays (lire notre article). C’est le cas de Jean-Fidèle Otandault ou d’Yves-Fernand Mamfoumbi. Idem du côté de certains poids lourds du gouvernement, à l’instar d’Alain-Claude Billie-By-Nze, le ministre des Affaires étrangères.

Mieux, le PDG est en passe de faire de nouvelles prises du côté de l’opposition. C’est le cas notamment de Frédéric Massavala, l’ex-porte-parole de la CNR de Jean Ping. Avec d’autres opposants, le dialogue est qualifié de « fluide » et de « constructif ». C’est le cas notamment de Jean-Norbert Diramba, le maire de Mouila, membre du parti d’opposition Les Démocrates que préside Guy Nzouba-Ndama.

Enfin, la décision d’Alexandre Désiré Tapoyo de quitter le PDG est d’autant plus à rebours de la tendance actuelle (renforcement du PDG versus délitement de l’opposition) que le CLR, sa famille politique d’origine, malgré ses récriminations à l’égard de la nouvelle direction du parti majoritaire, a réaffirmé début septembre, par la voie du patriarche Jean Boniface Asselé, son ancrage au sein de la mouvance présidentielle (lire notre article).