Gabon : « Le projet de loi relatif aux parcs nationaux permettra de mieux protéger la nature tout en préservant les droits des populations » (Christian Tchemambela)

Le secrétaire exécutif de l'Agence nationale des parcs nationaux du Gabon (ANPN), Christian Tshimembela © DR

Alors que le conseil des ministres a adopté vendredi dernier un projet de loi supprimant l’Agence Nationale des Parcs  Nationaux et transformant ses actifs vers l’Agence Nationale de Préservation de la Nature, Christian Tchemambela, le secrétaire exécutif de l’ANPN, nous en explique les enjeux, en réalité fondamentaux, que revêt ce texte. Interview. 

La Libreville : Un projet de loi a été adopté vendredi dernier en conseil des ministres qui vise à supprimer l’Agence Nationale des Parcs  Nationaux. Son patrimoine et ses personnels seront transférés à  l’Agence Nationale de Préservation de la Nature. Au-delà, que va concrètement changer la réforme ?

Christian Tchemambela : A l’instar d’autres pays de la sous-région, le Gabon est confronté à la recrudescence du braconnage des éléphants, au trafic d’ivoire, à l’ampleur croissant du conflit homme-faune et aux risques de propagation de maladies telles qu’Ébola à travers la viande de brousse. Pour relever ces défis majeurs et assoir le Gabon au rang des pays leaders en matière de préservation et de gestion durable des ressources naturelles, SE le Président de la République, M. Ali Bongo Ondimba a pris l’initiative de réformer l’ANPN.

Le projet de Loi relatif aux parcs nationaux, qui a été adopté vendredi dernier en conseil des ministres, a pour objectif premier de poser les bases de la nouvelle politique environnementale de notre pays en répondant, par la même occasion, aux aspirations sociales des populations. En effet, les moyens mis en œuvre par l’Agence Nationale des Parcs Nationaux, sa capacité avérée à lever des fonds auprès des partenaires extérieurs, ainsi que les résultats obtenus en matière de gestion du domaine public constituant les parcs nationaux, contrastent actuellement avec le constat d’abandon qui peut être fait sur le reste du territoire en matière de préservation de biodiversité, de la gestion de la faune, de la chasse, des aires protégées, des réserves et autres domaines de chasse, des sites RAMSAR, de la protection du milieu marin et aquatique, en particulier.

La dissolution de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux et la création, dans le même temps, d’un organisme chargé de la préservation de la nature est la traduction de la volonté du Chef de l’État de voir appliquer partout sur le territoire les mêmes exigences en termes de protection de l’environnement et de la biodiversité que celles mises en œuvre en œuvre dans les parcs nationaux.

La LBV :  Mais certains pensent que la préservation des ressources naturelles se fait au détriment de l’homme et du développement économique…

CT : C’est un fait, les exacerbations nées de l’aggravation du conflit homme-faune sont telles que l’idée s’est malheureusement selon laquelle la préservation de nos ressources
naturelles se faisait au détriment des populations s’est largement répandue dans l’opinion. D’où l’intérêt de ce projet de loi qui, en posant les bases d’une politique environnementale nouvelle, qui confère à l’organisme chargé de la protection des éléphants la capacité de répondre également aux problèmes des populations posés par cette cohabitation avec les humains.

C’est du reste parce que les préoccupations légitimes des populations est au centre de ses préoccupations que le Président de la République a lancé le Programme « Égalité des Chances ». Appliqué en matière de la préservation de la nature, ce programme introduit une distinction fondamentale entre les activités de préservation (amont) et celles d’exploitation (aval). En amont, les activités de préservation, de protection et de suivi des ressources génétiques vivantes, sont dévolues à l’Agence, avec notamment pour missions d’en définir les quotas d’exploitation. En aval, les activités d’exploitation et de valorisation des ressources halieutiques et aquacoles, faunique et forestière, demeurent dévolues aux parties prenantes au sein de l’administration qui sont chargées notamment de délivrer des permis et autres titres d’exploitation.

Au final, ce texte de loi permet d’assurer une application plus homogène sur l’ensemble du territoire des politiques environnementales mises en oeuvre au Gabon. Il répond également aux besoins de justice sociale des populations et à leur souci de sécurité alimentaire, tout en renforçant la prévention des risques de propagation de maladies endémiques, telle l’Ébola. Sous ses atours techniques, il s’agit d’un texte très stratégique.

La LBV : Quels sont les principaux enjeux dans les années à venir pour l’Agence Nationale de Préservation de la Nature ?

CT : La couverture de l’ensemble du territoire est un vaste défi. Les problèmes sont multiformes et l’ANPN n’est aujourd’hui pas suffisamment équipée pour tous les appréhender. C’est donc à une profonde réforme que les hautes autorités du pays nous convient, tant en ce qui concerne notre organisation que pour ce qui est de nos modes d’interventions. Ce qui ne marchera que si l’Etat nous accompagne dans cette importante mutation. Rappelons-nous que l’ANPN n’est arrivée à ce niveau de professionnalisme que grâce à un appui marqué de la part des pouvoirs publics, qui ont accompagné de façon active notre déploiement sur le terrain depuis 2009. Aujourd’hui, dans la seconde phase de la mutation de l’ANPN, le concours de l’Etat est vital. Cet accroissement de responsabilités devrait, en bonne logique, être suivi d’un accroissement des moyens.

La LBV : La prochaine COP aura lieu à Glasgow en novembre prochain. Qu’en espérez-vous ?

CT : Les problématiques liées aux changements climatiques sont aujourd’hui bien identifiées. En tant que chef de file des négociateurs africains pour la COP 26, le Gabon a un rôle majeur à jouer. A cet égard, ce qui apparait important aujourd’hui, c’est, d’une part, le fait pour les pays occidentaux de confirmer leur engagement à contribuer au financement de projets et d’organisations qui luttent en Afrique contre l’accroissement de l’effet de serre. Et, d’autre part, que l’adaptation (le fait pour les pays africains de s’adapter aux changements climatiques) soit acceptée dans les projets de financement. Cela constituerait une incitation puissante pour nos pays à mieux protéger leur environnement et à accélérer la transition vers une économie verte, davantage décarbonnée.