Gabon : La juge qui avait déclaré recevable l’action en justice contre Ali Bongo suspendue pour « faute lourde »

Ali Bongo Ondimba © DR

La première présidente de la Cour d’appel de Libreville avait commis plusieurs entorses graves aux principes fondamentaux du droit pour déclarer recevable une requête d’un collectif d’opposants sollicitant une expertise médicale sur la personne du président de la République afin d’apprécier sa capacité à diriger le pays. L’audience prévue le 26 août prochain n’aura, en toute logique, pas lieu. 

Fin de partie pour Paulette Ayo Mba, épouse Akolly, le premier président de la Cour d’appel de Libreville. Celle-ci a été suspendue de ses fonctions sur décision du secrétaire général de la chancellerie du ministère de la Justice et Garde des Sceaux pour « faute lourde », indique une source proche du dossier.

La décision a été prise lundi 19 août et notifiée à l’intéressée par voie d’huissier le lendemain, mardi 20 août dans l’après-midi.

Paulette Ayo Mba, épouse Akolly, avait, à la grande surprise des professionnels du droit, déclaré recevable la plainte d’un collectif d’opposants qui sollicitait une expertise médicale sur la personne du président de République afin d’apprécier sa capacité à gouverner.

En première instance, cette requête avait été rejetée, le tribunal de Libreville s’étant déclaré incompétent. Or, le 11 août dernier, la Cour d’appel a, elle, estimée qu’elle était compétente pour connaitre du fond de ce dossier, fixant l’audience au 26 août (pour un rappel chronologique de cette affaire, lire notre article).

Or, cette décision contrevenait à quatre grands principes du droit, dont certains constitutionnels : la séparation des pouvoirs, notamment entre l’Exécutif et le Judiciaire ; le fait que le président ne peut être justiciable devant les juridictions ordinaires ; l’absence manifeste de qualité pour agir des requérants ; le non-respect de la hiérarchie des décisions juridictionnelles. En effet, pour se déclarer compétente, la magistrate de la Cour d’appel avait superbement ignoré une décision de la Cour de cassation lui ordonnant de surseoir à statuer (lire notre article à ce sujet).

Celle-ci n’aura donc pas lieu, quelle qu’en soit la forme. Il y a désormais deux hypothèses : soit l’annulation pure et simple de l’audience, soit une déclaration d’incompétence de la Cour d’appel à l’issue d’une brève audience à la date convenue.

Dans une tribune publiée lundi dans le quotidien institutionnel L’Union, Nicaise Narcisse Ondo Nguema, docteur en droit et avocat au Barreau de Libreville, avait estimé que l’attitude du président de la Cour d’appel « menaçait les bases de notre système judiciaire, de notre édifice juridique et, au-delà, de l’État de droit » (lire notre article). 

Un sentiment partagé par un de ses confrères, avocat au barreau de Libreville et de Paris. « En France, une telle action en justice aurait été inimaginable. Il doit en être ainsi également au Gabon. Les règles de droit, qui plus est constitutionnelles, doivent être scrupuleusement respectées. Sinon, c’est la porte ouverte à tous les abus », met en garde ce professionnel du droit.