[Editorial] Gabon : Entre journalisme et militantisme, il faut choisir

Ali Bongo Ondimba présidant le conseil des ministres le 26 février 2019 à Libreville @ DR

L’Agence France Presse s’est illustrée hier à travers une énième dépêche à charge contre le chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba.  

C’est une énième dépêche. La dernière. Diffusée le 13 mars. Peut-être celle de trop. L’AFP y revient sur son (unique) sujet de prédilection : la vacance du pouvoir présidentiel. Projection d’un souhait, d’un fantasme ? Peut-être.

Au Gabon, un « appel à agir […] défraie la chronique », peut-on y lire. Leurs auteurs : neuf (originellement dix) signataires. Tous engagés à divers titres au sein de l’opposition. Leur appel, à en croire l’AFP, ferait presque trembler la République.

En réalité, il n’en est rien. En tout état de cause, il faut avoir de solides œillères pour le penser et l’écrire. Ou bien être motivé moins par le souhait de refléter la réalité que ses convictions personnelles, pour ne pas dire ses… fantasmes.

A ce stade, un rappel aux faits, les seuls qui vaillent, est nécessaire. Sans prétendre être exhaustifs, nous en mentionnerons quatre.

Un, quel est le degré de représentativité de ces neuf signataires ? Quasi-nul. Quelle est leur influence réelle au sein de la société gabonaise ? Proche de zéro.

Deux, ce genre d’appel est-il une démarche à ce point inédite qu’il faille à ce point en faire écho, voire lui dresser des éloges ? En réalité, des centaines d’appel de ce genre émanant de structures ou de figures de l’opposition (ou proches d’elle) ont été faits depuis le mois de novembre. Avec quel effet ? Aucun. Tous ont été frappés d’insuccès. Au Gabon, ces figures de style – presque classiques – sont perçues comme de vaines incantations dont l’unique objet est de permettre à leurs auteurs de se remettre (politiquement en selle) en prenant un peu de lumière médiatique.

Ensuite, ce débat est-il toujours d’actualité ? Dans une poignée de médias seulement. Et pour cause, alors qu’ils étaient dans l’expectative en novembre et décembre dernier, les Gabonais savent pertinemment qu’Ali Bongo Ondimba, revenu au pays en janvier et février dernier, a récupéré de ses ennuis de santé. Qu’il travaille et qu’il s’apprête à rentrer définitivement au pays. De sorte que ces appels à la vacance présidentielle s’apparente davantage, pour leurs auteurs, à un chant du cygne, à un pathétique baroud d’honneur.

Enfin, ce débat intéresse-t’il les Gabonais ? Si le sujet de la vacance présidentielle les a concernés, voire inquiétés en fin d’année, depuis, ceux-ci ont tourné la page. Ils savent qu’Ali Bongo est hors de danger, qu’il est opérationnel (« aux commandes » comme ils disent). Les préoccupations quotidiennes, comme partout ailleurs dans le monde, ont largement repris le dessus. Éducation, emploi, santé, propreté, pouvoir d’achat, retraite…, voilà leurs centres d’intérêt.

Aujourd’hui au Gabon, le débat chimérique sur la vacance du pouvoir présidentiel n’intéresse en réalité que deux types de public : l’opposition qui espère, sur tapis vert, se relancer après avoir été laminée lors des élections générales d’octobre dernier et une poignée de médias, acquis à sa cause. Si certains de ces médias sont légitimes à s’emparer, même de façon monomaniaque, du sujet et à le traiter comme bon leur semble – la presse d’opinion a le droit, fort heureusement, d’exister – d’autres, en revanche, devraient faire montre de plus de neutralité.

C’est le cas en particulier des agences de presse de réputation internationale, et donc de l’AFP. Entre journalisme et militantisme, il faut choisir.

Lire deux de nos précédents articles à ce sujet : 

Gabon : l’AFP réécrit sa dépêche à la demande de la cellule de communication de Jean Ping

Elections au Gabon : l’AFP tente de minimiser la victoire du PDG