Gabon : devenue ultra-minoritaire au sein de l’opposition, l’UN contrainte de se radicaliser pour se faire entendre

Zacharie Myboto, le président de l'Union Nationale (à droite), lors d'un meeting de l'opposition mi-septembre © DR

Lourdement défaite lors des élections législatives et locales d’octobre, l’Union Nationale, qui ne comptera que deux députés dans la nouvelle assemblée, durcit son discours pour tenter de se faire entendre. Au risque de franchir la ligne rouge et de passer de la parole aux actes. 

L’Union Nationale est le grand perdant des dernières élections. Alors que Les Démocrates de Guy Nzouba Ndama enverront 11 députés à l’assemblée nationale, que le Rassemblement Héritage et Modernité de Barro Chambrier limite la casse avec 4 représentants élus, l’UN s’est fait, elle, laminée. Elle devra se contenter d’à peine 2 députés. L’un de ses leaders, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi a été sèchement battu dès le premier tour à Akanda. Pour le parti de Zacharie Myboto, la couleuvre est difficile à avaler.

Afin de tenter de faire oublier cette déconvenue et de tourner rapidement la page de ces élections catastrophiques, l’Union Nationale a opté pour la stratégie de la diversion. Lundi 29 octobre, au lendemain du weekend du second tour des législatives, le parti d’opposition allume un contre-feu. Il publie un communiqué sur l’état de santé du président Ali Bongo, actuellement hospitalisé à Ryiad en Arabie Saoudite.

Faire diversion pour faire oublier la lourde défaite électorale

« Il y a une volonté manifeste de la part des dirigeants de l’UN de faire diversion. Cela leur permet de ne pas se livrer à un inventaire sans doute difficile pour eux à supporter. Car leur campagne, manifestement, n’a pas été bonne et les militants ne sont pas contents. Ils pourraient donc demander des comptes », explique un professeur en sciences politique de l’UOB.

En devenant ultra-minoritaire, l’Union Nationale est contrainte de radicaliser son discours pour tenter de se faire entendre. Ce que confirme l’universitaire. « Moins vous êtes nombreux, plus vous devez faire du bruit pour montrer que vous existez. C’est cette stratégie, très banale, qu’utilise l’UN. Et pour cela, elle a une occasion toute trouvée : la santé du président car elle sait que le sujet peut être sujet à polémique », poursuit celui-ci.

Depuis la publication de ce communiqué, le parti de Zacharie Myboto a été très critiqué, dans les rangs de la majorité mais aussi dans ceux de l’opposition. « On peut être en désaccord politique avec le président. Mais profiter de cet événement malheureux pour tenter de mettre le feu aux poudres afin de se refaire une santé politique après une lourde défaite électorale, c’est proprement irresponsable. Moi, je ne mange pas de ce pain-là », confie l’une des grandes figures de l’opposition qui souhaite ne pas être mêlé à cette initiative.

De la parole aux actes

Plus grave, en radicalisant son discours, l’UN prend le risque de radicaliser ses militants.  Une ligne rouge qui a été franchie pas plus tard que le 27 octobre au soir, après la fermeture des bureaux de vote lors du second tour des législatives. Le conseiller départemental de l’Okano, Andrew Crépin Gwodog, a été victime d’une agression physique et verbale. Ce membre du PDG, le parti au pouvoir, a été attaqué par des militants de l’Union nationale (UN) alors qu’il se trouvait à la mairie de Mitzic.

« Lors de l’attente des résultats du 2ème tour des élections législatives, discutant avec le préfet de la situation du bureau de vote d’Ayane, un militant de l’UN nous a reconnu et a commencé à nous agresser verbalement, puis une vingtaine de militants sont arrivés, plus violents, et s’en sont pris à ma personne et au préfet de l’Okano. Nous avons trouvé refuge dans nos véhicules et dû nous éloigner de ce lieu, car n’étant plus en sécurité », a raconté Andrew Crépin Gwodock, qui s’est confié à nos confrères de Gabonrewiew.

« Ils ont menacé de me tuer, me brûler vif et incendier tous mes biens dans l’Okano et s’en prendre aux miens. J’ai immédiatement informé le commandant de brigade de Mitzic et le gouverneur de la province. Quatre militaires ont été dépêchés à ma résidence pour des raisons de sécurité et y ont dormi », a précisé celui qui fut le coordonnateur de la campagne du Parti démocratique gabonais (PDG), dans le deuxième siège de la commune de Mitzi.

Des affirmations confirmées par de plusieurs témoins et corroborées que par de nombreux indices matériels (photos et vidéos) transmis à la police qui poursuit son enquête.