« Il faut ne pas être Gabonais pour souhaiter la mort d’Ali Bongo » (vives réactions au Gabon suite au communiqué du parti de Jean-Luc Mélenchon)

Jean-Luc Mélenchon, le président du mouvement La France Insoumise, connu pour ses outrances © DR

Lundi 19 novembre, La France Insoumise a publié un communiqué sur le Gabon, s’attirant aussitôt les critiques acerbes des Gabonais, tant du côté de la majorité que de l’opposition. 

Ça n’est pas la première fois que LFI publie un communiqué sur le Gabon. Mais cette fois-ci, la ligne rouge semble avoir été franchie.

« Victime d’un AVC à Riyad le 24 octobre 2018, le président Ali Bongo n’est plus apparu, toujours hospitalisé en Arabie Saoudite dans un état jugé irréversible, malgré́ les dénégations du gouvernement gabonais […] Ali Bongo ne retrouvera jamais son palais du bord de mer à Libreville », peut-on lire dans ce communiqué signé par deux responsables de LFI, Patrice Finel et David Chinaud.

Il n’en fallait pas moins pour déclencher un véritable tollé au Gabon. « Vraiment, il faut ne pas être Gabonais pour souhaiter la mort de quelqu’un, fusse Ali Bongo », réagit Eric, étudiant en philosophie, croisé hier en fin de journée aux alentours de l’UOB.

Martine, une jeune commerçante vivant dans le 3ème arrondissement, relativise toutefois. « Ce genre de déclaration, ça n’a aucun impact ici. C’est juste bon pour les médias et les réseaux sociaux », pense-t-elle.

Au sein de la classe politique gabonaise, les réactions sont particulièrement outrées. Sans surprise du côté de la majorité, mais aussi du côté de l’opposition. La réprobation est unanime. Alexandre Barro Chambrier a fait savoir qu’on ne peut que réprouver de tels propos. « Au Gabon, on  ne souhaite pas la mort d’un homme, quel qu’il soit », a confié le président du Rassemblement Héritage et Modernité (RHM).

Même son de cloche du côté de l’opposant Guy Nzouba Ndama. « Je souhaite à titre personnel au président de la République, Ali Bongo Ondimba, un prompt rétablissement », a publiquement déclaré à plusieurs reprises le président du parti Les Démocrates.

Ce communiqué du parti de Jean-Luc Mélenchon ne surprend guère toutefois ce professeur en science politique de l’UOB. « C’est à usage interne. Quelques militants se focalisent sur certains sujets mais ça ne reflètent pas loin de là les préoccupations, ni même l’opinion de la majorité au sein de ce parti, qui est très divisé sur ce sujet comme sur le reste », explique l’universitaire qui a officié un temps en France.

Et d’ajouter : « c’est vrai que ça n’a absolument aucun impact sur le plan politique. Ça fait les choux gras dans les médias mais pas plus. LFI est un parti très minoritaire en France. S’il dit une chose, c’est que la majorité, gouvernement y compris, pense l’inverse. Paradoxalement, ce communiqué est donc plutôt rassurant pour les autorités gabonaises. De plus, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon n’a pas toujours une ligne politique claire, en particulier sur les questions internationales. Critiquer le Gabon et en même temps encenser le Venezuela ne sert probablement pas leur crédibilité. »

Dans les rues de Libreville hier, certains Gabonais taxés de « neo-colonialistes » les propos de LFI (une critique également reprise par certains partisans de LFI). « En 2018, publier un tel communiqué est complètement anachronique. Vous remarquerez que ce n’est qu’avec l’Afrique qu’on s’autorise ce genre d’attitude », estime Jacques enseignant à Akanda, une commune située au nord de Libreville.

Sur les réseaux sociaux, les réactions sont encore plus vives. « Mélenchon et son parti ont choqué la France il y a un mois avec des violences contre un magistrat et les forces de l’ordre commises lors de perquisitions. Avec la même violence, non pas physique mais symbolique cette fois-ci, il vient de choquer les Gabonais », écrit cet ingénieur, membre de la diaspora vivant en banlieue parisienne, en concluant son propos par la célèbre phrase de Talleyrand: « tout ce qui est excessif est insignifiant ».

Mais c’est peut-être cet étudiant à Libreville, Jocelyn Ibinga, qui, sur Twitter, résume le mieux l’état d’esprit qui prévaut au Gabon. « Les gabonais sont passés à autre chose ! Arrêtez de bassiner les oreilles des honnêtes gens avec vos histoires de Constitution en espérant qu’une insurrection se fasse ! », écrit-il.

« Une critique adressée à LFI mais également à quelques médias français », relève notre professeur en science politique, « qui, du point de vue gabonais, ont fait depuis près d’un mois de l’état de santé du président leur unique sujet de préoccupation et qui confondent, depuis longtemps déjà, journalisme et militantisme. »