Comment rendre la croissance pérenne et plus inclusive au Gabon ? Les propositions de la Banque mondiale

Couverture du rapport de la revue des dépenses publiques de la Banque mondiale sur le Gabon © Banque mondiale

Ce jeudi 9 mai à Libreville, l’institution de Bretton Woods a passé en revue devant les membres du gouvernement, aux partenaires techniques et financiers, ainsi qu’aux partenaires sociaux,  une série « idéale » de dépenses publiques pour le Gabon intitulée : « Améliorer la qualité de la dépense publique pour favoriser une croissance inclusive ».

La croissance sera de retour cette année au Gabon (+ 4 % environ selon les prévisions du FMI). Mais profitera-t-elle vraiment aux Gabonais ?

Pour faire en sorte que ce soit le cas, les experts de la Banque mondiale ont dévoilé le 9 mai aux membres du gouvernement, partenaires techniques et financiers, ainsi qu’aux partenaires sociaux les conclusions de la Revue des dépenses publiques pour le Gabon intitulé « Améliorer la qualité de la dépense publique pour favoriser une croissance inclusive ». Objectif : soutenir les réformes mises en oeuvre par le gouvernement gabonais pour rééquilibrer les finances publiques, ce que ce dernier a bien fait jusqu’à présent ; mais aussi mettre en oeuvre une stratégie nationale de relance pour favoriser non seulement la croissance mais aussi garantir le développement, une lacune qui doit encore être comblée.

Le document, une somme de 200 pages, recense de manière exhaustive et précise les données relatives aux dépenses publiques sur une période de huit ans, de 2010 à 2017, analyse leur composition et leur efficacité par rapport aux objectifs de développement du Gabon.

L’investissement public, la masse salariale de la fonction publique, les recettes non pétrolières, les dépenses publiques en matière d’éducation, de protection sociale et de santé, des secteurs prioritaires pour le développement socio-économique et la réduction de la pauvreté, sont passées au crible des experts de la Banque mondiale.

Leur première préconisation : réduire la masse salariale de la fonction publique via notamment le gel temporaire des recrutements hors secteurs prioritaires, le poste de dépenses de fonctionnement le plus important et réaffecter les ressources vers la stimulation de l’investissement productif d’une part pour favoriser la croissance et l’emploi notamment, mais aussi vers les dépenses sociales (logement, santé, éducation, protection sociale). Les experts de la Banque mondiale préconisent également la mise en place d’un plan national d’infrastructures pour assurer une plus grande cohérence entre les différentes mesures sectorielles.

Deux points sur lesquels le Gabon a pris les choses en main : des réformes inédites ont été engagées en 2018 pour réduire les dépenses publiques – pléthoriques – et réformer l’Etat – obèse. Quant aux infrastructures, le premier ministre, Julien Nkoghe Bekalé, en a fait sa priorité comme il l’a indiqué le 26 février dernier lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale.

Faire le suivi des réformes

Deuxième préconisation du rapport : améliorer le suivi des réformes initiées. Autrement en faire l’évaluation, le suivi rigoureux, en tenant compte des estimations réalistes des ressources nécessaires à long terme. Sans doute l’un des points noirs de l’action publique au Gabon où souvent des annonces sont faites, parfois des réformes reçoivent un début de mise en oeuvre, mais soit ne vont pas au bout, soit le sont sans qu’il y ait eu d’évaluation ponctuelle pour en mesurer l’efficacité.

Troisième préconisation des experts de la Banque mondiale : augmenter les dépenses publiques en matière d’éducation, accroître la part des dépenses allouées à l’enseignement primaire et secondaire, améliorer la gouvernance de l’enseignement technique et la formation professionnelle, ainsi que celle des établissements de l’enseignement supérieur. Peu ou prou les mesures que les conclusions que le gouvernement a tiré des travaux de la task force sur l’éducation en août dernier. Reste désormais à en assurer la mise en oeuvre effective. Une nécessité selon la Banque mondiale qui estime que les performances du pays en la matière sont inférieures à ce que l’on est en droit d’attendre compte tenu de son taux de PIB par habitant et de ses niveaux de dépenses publiques.

Quatrième préconisation de l’Institution de Bretton Woods : réorienter les dépenses en matière de santé vers les soins préventifs et promotionnels dans les établissements de soins primaires et secondaires, rendre les districts sanitaires opérationnels, améliorer les systèmes d’orientation des patients vers des centres spécialisés, renforcer la gestion pharmaceutique, établir des mécanismes de surveillance pour assurer la pleine mise en œuvre des plans d’investissement et créer des systèmes de gestion budgétaire et d’incitation plus efficace, tels que les paiements axés sur les résultats. Selon les experts de la Banque mondiale, le niveau des dépenses en matière de santé au Gabon reste faible et volatil par rapport aux autres pays dont le niveau de développement est comparable.

Cinquième proposition des experts de la Banque mondiale : améliorer le système de protection sociale (assurance maladie, retraites…), crucial pour le développement socio-économique et la réduction de la pauvreté. Le système d’allocation doit être revu dans le sens afin de le rendre plus juste et plus efficace, dans le ciblage des services non contributifs, et les programmes de transferts sociaux consolidés et modernisés.

« Le Gabon est un pays riche avec une population restreinte où le PIB par tête est l’un des plus élevés en Afrique. Il dispose donc de tous les atouts pour parvenir à se hisser au rang des pays à revenu intermédiaire, au même titre que certains pays d’Asie du sud-est. Ce qui le fera basculer dans cette catégorie, ce sont la définition de politiques publiques pertinentes dans le cadre d’une stratégie rigoureuse et la mise en place d’une méthodologie et d’une organisation efficaces pour la mettre en oeuvre », explique l’un des experts du FMI. « C’est à cette condition que le Gabon aura une croissance plus forte et plus régulière, moins erratique que celle qu’il a connu ces dernières années et qui dépend largement de la fluctuation des cours du brut sur les marchés internationaux ; mais aussi une croissance plus inclusive, autrement dit qui ne soit pas purement conceptuelle, d’ordre macro-économique, mais qui se ressente effectivement sur le terrain et profite à une majorité de Gabonais », ajoute-t-il.

En off, celui-ci explique que le Gabon gagnerait, après avoir mené une nécessaire politique d’austérité (réduction des dépenses publiques, réforme de l’Etat, augmentation de la base fiscale…) à « rééquilibrer » son action à travers la mise en oeuvre d’une politique de relance, basée sur l’investissement. « Le Gabon doit marcher sur ses deux pieds. Un unijambiste ne va jamais très loin », fait-il observer.