Certification forestière au Gabon : Des raisons financières à l’origine des critiques de Marc Ona Essangui contre la norme FSC ?

Le président de l'ONG The Brain Forest, Marc Ona Essangui © DR

Le 31 janvier 2020, Libreville signait un accord avec le Forest Stewardship Council (FSC), un label éco-responsable qui sera appliqué d’ici 2022 à l’ensemble des concessions au Gabon. Un progrès unanimement salué à l’international par les défenseurs de l’environnement mais aussitôt critiqué par une poignée d’ONG dans le pays. Celles-ci ont tôt fait de monter au créneau pour en dénoncer le caractère prétendument coûteux et anti-concurrentiel. Une fronde menée par The Brain Forest, dont l’un des responsables est l’activiste Marc Ona Essangui. Mais cette opposition semble en réalité moins motivée par des questions de principe que par des motifs financiers. Explication.

Marc Ona Essangui, un critique pas si désintéressé de la norme FSC au Gabon ? La question est posée.

Fin janvier, le Gabon concluait officiellement un accord de coopération avec le label Forest Stewardship Council (FSC) pour l’installation de cette certification au Gabon et la mise en place d’un comité de suivi. Une initiative motivée par la volonté des autorités gabonaises de concilier protection de l’environnement et développement de l’industrie forestière.

« La certification FSC garantit une exploitation durable et les droits des travailleurs, avec par exemple un accès obligatoire à l’éducation pour les familles et communautés autour de l’exploitation », explique la directrice de communication Afrique de FSC, Nathalie Bouville, ajoutant qu’ « au-delà des aspects environnementaux et sociaux, le Gabon pourra tirer de cette norme des bénéfices économiques, car FSC est un gage de légalité qui permet d’ouvrir des marchés ». C’est par exemple le cas des Pays-Bas qui n’importent pratiquement que du bois FSC.

Mais cet accord, pourtant perçu comme une avancée majeure par les défenseurs de l’environnement à l’international, a aussitôt été décrié au Gabon par quelques organisations pro-environnement, emmenées par l’ONG The Brain Forest, présidé par l’activiste Marc Ona Essangui, par ailleurs réputé pour son opposition au président Ali Bongo Ondimba.

Dans un communiqué diffusé le 31 janvier, soit le même jour que la signature entre le Gabon et le FSC, l’ONG gabonaise vitupère contre une mesure « anti-concurrentielle » et « coûteuse » pour les exploitants (environ 5,30 euros par m3 de grume exploitée que l’entreprise devrait supporter chaque année sur le volume de bois produit, hors coût d’aménagement et des bases-vie, selon l’étude du Programme de promotion de l’exploitation certifiée des forêts réalisée en 2017 sur les coûts et bénéfices liés à la certification forestière dans le bassin du Congo).

Face à ces critiques qu’il juge totalement infondées, le Forest Stewarship Council a répondu par courrier le 21 février (reproduit ci-dessous). Adressé à Constant Allogo, le coordonnateur de la plateforme Gabon Ma Terre Mon Droit (GMTMD) à laquelle est affiliée The Brain Forest, le directeur exécutif du FSC Kim Carstensen y démonte point à point les critiques et rappelle que « l’accord de coopération qui lie le FSC au ministère des Forêts gabonais n’a aucun caractère contraignant et exclusif ». Il propose d’ailleurs, pour dissiper les ambiguïtés à Constant Allogo, de rencontrer les équipes du FSC à Libreville.  

Surtout, dans son courrier, Kim Carstensen s’interroge sur la promptitude et la virulence des critiques de certaines ONG gabonaises, dont The Brain Forest. Un excès de zèle qui a en effet surpris nombre de défenseurs de l’environnement. « En repoussant le choix souverain du Gabon d’une part et en appelant d’autre part le FSC à se retirer de son accord avec le Gouvernement, il pourrait être donné une impression que votre plateforme met de côté de facto la question centrale de la promotion de la durabilité dans le secteur forestier », écrit M. Carstensen dans son courrier.

Une tournure indirecte qui en réalité pointe du doigt un potentiel conflit d’intérêt de la part de certaines ONG, dont au premier chef The Brain Forest. En effet, cette organisation est partie prenante du dispositif Traceur qui permet d’assurer la traçabilité des billes de bois au Gabon. Une activité lucrative pour l’organisation de Marc Ona Essangui qui en tire même une bonne partie de ses revenus. Or, si la norme FSC venait à être appliquée, ce qui sera le cas, cette source de financement viendrait à se tarir considérablement.

Pour beaucoup, il ne faut pas chercher plus loin l’explication à la levée de bouclier de la part de The Brain Forest et autres suscitée par la signature de l’accord avec le FSC, dont chacun convient à l’international qu’il constitue une avancée majeure dans la protection des forêts au Gabon, pays dont le territoire est recouvert à 88 % par la forêt équatoriale, le deuxième poumon vert de la planète et l’un de ses plus importants pièges naturels à carbone.