[Analyse] Quasi-assurée de sa défaite à l’élection présidentielle de 2023, l’opposition gabonaise rêve d’en changer les règles du jeu

Alexandre Barro Chambrier tente de ravir à Jean Ping le leadership sur l'opposition gabonaise © DR

Le président du Rassemblement pour la patrie et la modernité, Alexandre Barro Chambrier, a, dans une déclaration passée presqu’inaperçue le 17 août dernier, souhaitait la « remise à plat du système électoral actuel » sous l’égide d’un médiateur impartial afin de garantir, selon ses termes, « des conditions de transparence et de vérité des urnes. » Des déclarations qui en réalité, en disent long sur l’état de l’opposition, divisée et affaiblie, à deux ans du scrutin présidentiel. 

Incapable de s’unir derrière un programme et, a fortiori, un candidat communs, l’opposition essaie d’emprunter une voie détournée pour mettre un terme au « cancer de la division » qui la ronge de l’intérieur.

Après les déclarations à ce sujet de Mike Jocktane fin juillet dernier (lire notre article), Alexandre Barro Chambrier – qui rêve de ravir la place de leader de l’opposition à un Jean Ping, qui n’est plus que l’ombre de lui-même, dans la perspective de la présidentielle de 2023 – tente de s’accaparer le débat sur le changement des règles électorales.

Ambitions et divisions

« Nous devons éviter l’écueil de la division et du chacun pour soi. Nous devons nous battre ensemble pour exiger, à quelques encablures d’échéances électorales majeures, une réforme du système électoral qui permette une réelle transparence du processus et des résultats électoraux. Nous devons, en toute lucidité, tirer les leçons des évènements de 2016 et ne pas toujours attendre la dernière minute pour nous organiser », a déclaré Alexandre Barro Chambrier le 17 août dernier, jour de la fête nationale. Une déclaration passée – c’est un signe – largement inaperçue.

En réalité, de tels propos, qui ne leurrent personne, sont à la fois révélateurs des ambitions personnelles du président du RPM et des divisions profondes de l’opposition gabonaise. En piteux état, celle-ci connait une érosion sans précédent dans ses rangs, comme l’explique un professeur en science politique de l’UOB, la plus grande université du pays.

« D’une part, les déclarations de M. Barro Chambrier interviennent trois semaines à peine après celles de M. Jocktane. On peut y voir de la part du président du RPM une volonté de s’emparer d’un sujet en vue de conforter son leadership au sein de l’opposition gabonaise et de prendre ainsi de l’avance par rapport à ses potentiels rivaux », éclaire l’universitaire.

Façon de mettre la poussière sous le tapis

« D’autre part », ajoute-t-il, « c’est aussi une façon de créer un contrefeu ou, si vous préférez, de mettre temporairement la poussière sous le tapis. En effet, évoquer un tel sujet, consensuel au sein de l’opposition, permet de mettre de côté, pour l’heure, les sujets qui fâchent comme le programme à élaborer en vue de la présidentielle de 2023 et, surtout, la question du ou probablement des candidats qui seront en lice pour le compte de l’opposition lors de la prochaine élection présidentielle », décrypte ce professeur.

A deux ans de l’échéance, l’opposition gabonaise est dans une situation on-ne-peut-plus délicate. En l’espace de quelques mois, plusieurs de ses principales figures ont fait défection. C’est le cas de René Ndemezo’o Obiang, de Frédéric Massavala (en avril), de Féfé Onanga ou encore de Jean Eyeghe Ndong (en juillet et août), tous d’ex-proches de Jean Ping.

Vieux barons et jeunes loups

Celui qui aura 81 ans en 2023 n’est plus considéré comme une option crédible pour incarner l’opposition dans son ensemble. Pour autant, aucun candidat n’émerge de ce côté de l’échiquier. Ses principaux leaders, vieux barons (Barro Chambrier, Charles Mba…) et jeunes loups (Appel à agir), se déchirent, alors que ses principaux partis (UN, Les Démocrates) se fracturent (lire nos articles ici et ici).

Une situation qui tranche avec celle de la majorité présidentielle. A deux ans du scrutin majeur, celle-ci, unie autour du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba, n’a jamais été autant en position de force.