[Analyse] Quasi-assurée de sa défaite lors de la présidentielle de 2023, l’opposition gabonaise crie déjà à la fraude

Mike Jocktane a bien consience du piteux état dans lequel se trouve l'opposition gabonaise © DR

Deux ans avant l’échéance, le président du parti politique Le Gabon nouveau (LGN), Mike Jocktane, a appelé cette semaine l’opposition gabonaise à s’engager contre une présumée « fraude électorale » qui, à l’en croire, serait mise en place « par le pouvoir » dans la perspective du scrutin présidentiel de 2023. Des propos qui en disent long sur la fébrilité des opposants au chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba. 

Tel Pierre dans le célèbre conte musical « Pierre et le loup », l’opposition gabonaise crie déjà, par anticipation, à la fraude électorale dans l’optique de la présidentielle prévue en… 2023.

Pour Mike Jocktane, à deux ans du scrutin, « il est évident maintenant qu’Ali Bongo veut se maintenir au pouvoir ». Face au soutien unanime dont ce dernier ne manquera pas de bénéficier de la part des partis de la majorité, le président du Gabon nouveau en appelle à l’union de l’opposition non pour proposer une candidature commune mais pour, dit-il, éviter une fraude électorale.

« Il est d’abord temps de poser ce qui est incontournable pour le scrutin de 2023 : assurer un scrutin équitable, empêcher la fraude du pouvoir autant que possible, réformer les règles du scrutin », estime-t-il dans un post sur sa page Facebook publié mardi 27 juillet.

Dans son post, Mike Jocktane désigne « la fraude de la part du système en place » comme le seul véritable « ennemi » contre lequel toute l’opposition doit d’abord se battre lors de la prochaine élection. « Au-delà des ambitions individuelles, chaque arme doit être mise au service de la transparence du scrutin, car en réalité, à quelque échelon soit-on, nous travaillons d’abord pour l’intérêt de la nation. Et à ce juste titre, il n’y a pas de place pour l’assouvissement de vils desseins individuels qui ne servent aucunement l’intérêt si clamant du peuple gabonais », affirme-t-il.

Reste que de telles déclarations, aux allures de chants de déploration, relèvent davantage d’un vœux pieux. L’opposition gabonaise est aujourd’hui atomisée, « archipelisée ». C’est un secret de Polichinelle, Jean Ping ne sera pas en mesure de se représenter en 2023. Charles M’Ba et Alexandre Barro Chambrier sont déjà en pré-campagne électorale. L’Union du peuple gabonais (UPG) a déjà annoncé qu’elle présentera, quoi qu’il advienne, un candidat lors de la présidentielle. Les jeunes loups, réunis au sein du collectif Appel à agir, contestent la légitimité des vieux barons à se présenter et entendent bien proposer une candidature issue de leur rang en 2023. Sans compter les divisions internes qui fracturent en leur sein les partis politiques de ce côté de l’échiquier (comme à l’UN ou au RPM).

Mike Jocktane le sait. C’est pourquoi il n’appelle pas à l’union de l’opposition sur la base d’un programme commun mais en vue de contrer un « ennemi commun », qui a tous les atours d’une chimère : la « fraude électorale ».

Pas sûr que la ficelle, pourtant grosse, soit suffisamment solide pour lutter contre les démons de la division au sein de l’opposition. En réalité, les propos de Mike Jocktane, qui n’a pas pris part au dialogue politique d’Angondjé contrairement à beaucoup de ses compagnons, sont davantage l’expression d’une de la grande fébrilité qui règne au sein de l’opposition à deux ans de la présidentielle. Incapable de s’unir et de proposer un projet alternatif aux Gabonais, celle-ci, dont le président de Gabon Nouveau s’est temporairement fait le héraut, préfère prendre les devants et expliquer pourquoi le match a été perdu avant que celui-ci n’a été joué ! Et crier au loup… imaginaire, tel Pierre dans la fameux conte musical pour enfants créé par le compositeur russe Sergueï Prokofiev. On en connait la suite.