[Analyse] Comment le Gabon compte remplacer en dix ans le pétrole par l’exploitation durable du bois

Le bois est déjà le deuxième secteur économique le plus important au Gabon © DR

Pour des raisons à la fois économiques et écologiques, le Gabon entend substituer dès 2030 ses recettes pétrolières par celles générées par l’exploitation durable du bois. Une volonté de son président Ali Bongo Ondimba, réaffirmée récemment par le ministre de l’Environnement et des Forêts, Lee White.

C’est entendu. Les autorités gabonaises veulent remplacer la part du pétrole dans le PIB (22,1 % en 2017 mais encore 69 % de ses recettes budgétaires, selon Banque mondiale), par les recettes tirées de l’exploitation durable du bois.

« Nous finalisons actuellement une stratégie pour le développement du secteur forêt-bois qui verra l’établissement de plantations forestières et la création de plus de 50 000 emplois sur 5 ans  », a déclaré le 8 juillet dernier le ministre gabonais de l’Environnement et des Forêts, Lee White.

Pour y parvenir, le Gabon compte sur les usines de transformation de bois, chaque année plus nombreuses, qui se sont implantées dans la Zone économique spéciale de Nkok, située à 27 kilomètres de Libreville, la capitale.

5 000 emplois en plus cette année, 50 000 sur la décennie

Pour accélérer cette dynamique, d’autres zones du même type seront créées à l’intérieur du pays, à Lambaréné et Franceville, avec à la clé la création de près de 5 000 emplois sur les douze prochains mois et de 50 000 d’ici 2030. « C’est à travers cette stratégie que la forêt gabonaise contribuera plus significativement à l’économie nationale. Le bois, ressource renouvelable lorsqu’il est exploité de manière durable, pourrait dès 2030 se substituer au pétrole dans notre économie », a assuré le ministre.

Pour le Gabon, l’enjeu est à la fois économique (diversification, valeur ajoutée locale, création d’emplois, adapation aux nouveaux besoins et aux évolutions techniques…) mais aussi écologique (élimination des dangers de pollution liés au pétrole et à son exploitation…).

Le Gabon, pays forestier d’Afrique centrale, recouvert à 85 % par la forêt, l’un des deux poumons verts de la planète qui abrite une biodiversité exceptionnelle, s’est tourné vers l’exploitation durable de son bois il y a déjà une vingtaine d’années.

En 2001, la loi n° 016/01 portant code forestier, dont les deux axes majeurs sont l’aménagement des forêts et l’industrialisation plus poussée de la filière bois, est promulgué. Puis vient la création des parcs nationaux, vastes aires protégées (le Gabon en compte aujourd’hui 13 au total). 2010 marque un véritable tournant avec l’entrée en vigueur de la loi, voulue par le président alors fraîchement élu, Ali Bongo Ondimba, imposant plusieurs transformations des grumes pour pouvoir être exportés. Depuis, l’industrie de transformation du bois a pris son essor au Gabon. Prochaine étape : en 2022, la certification FSC (Forest Stewardship Council), une norme internationale très exigeante, sera obligatoire pour tous les exploitants (lire notre article).

6,8 millions d’hectares de forêt déjà aménagés pour garantir une exploitation durable

Selon le Programme alimentaire mondial (FAO), près de 6,8 millions d’hectares de forêt, répartis à travers 19 concessions forestières, ont déjà été aménagés pour garantir la gestion durable de la ressource forestière. Le nouveau Code forestier contient en effet une série de dispositions en matière d’aménagement forestier – avec notamment le principe d’une rotation longue de l’ordre de 20 à 30 ans – et d’industrialisation sur ces vastes concessions.

Aujourd’hui, les autorités gabonaises réfléchissent à une manière pragmatique d’en faire bénéficier également les petites concessions forestières, dotées de moyens plus faibles. Les petites et moyennes entreprises forestières (PMEF) exploitent certes des permis de taille plus modeste mais qui représentent au total 5 à 6 millions d’hectares de forêt. Elles représentent 80 % des entreprises du secteur et 50 % des emplois.

En 2019, le secteur forestier au Gabon demeurait le premier employeur privé et se situait au second rang des recettes budgétaires de l’Etat, derrière le pétrole mais devant les mines. Désormais, le secteur a dix ans pour occuper la première marche du podium.