Lors de son procès qui s’est achevé ce vendredi 5 août, l’ex-directeur général de la CNAMGS a, sur bien des points, contredit ses ex-compagnons, mis en cause eux aussi dans dans le cadre de l’Opération Scorpion. Rapide passage en revue.
Menaces, tortures, conditions dégradantes de détention… ?
A l’occasion de leur procès, que ce soit, avant, pendant ou après, certains accusés de l’Opération Scorpion ont profité de la tribune qui leur a été offerte pour dénoncer leurs « conditions de détention dégradantes ». Certains d’entre eux ont évoqué des « menaces », d’autres des « intimidations » et même des actes de « torture ». « J’ai été violemment agressé et torturé à l’intérieur même de ma cellule, par des lâches cagoulés qui disaient qu’il valait mieux négocier avec l’Etat. Après m’avoir ligoté, pris tout nu en photo, et m’avoir menacé de tuer mes enfants et violer ma compagne », a écrit l’ex-ADG de la GOC, Christian Patrichi Tanasa dans une lettre ouverte publiée à l’issue de son procès au terme duquel il a été condamné à 12 ans de prison (lire notre article).
Ces déclarations, largement relayées par les médias d’opposition sans jamais avoir été vérifiées, participent d’une stratégie de défense globale, prônée par certains avocats, qui, depuis le début de la procédure, n’ont eu de cesse de dénoncer une « détention arbitraire », décidée par une Justice à leurs yeux « illégitime » qui serait « aux ordres du pouvoir ».
C’est ainsi que plutôt que de se concentrer sur l’objet véritable du procès : la responsabilité des accusés dans les faits (graves au demeurant) qui leur sont reprochés, l’attention du public est divertie, détournée. Il ne s’agit plus tant du procès de ceux qui comparaissent sous divers chefs d’inculpation (détournement de fonds, corruption, concussion, blanchiment, faux et usage de faux…) que ce celui du « régime de Libreville », dépeint comme « autocratique » et « irrespectueux de l’Etat de droit ».
Question au passage pour les avocats : s’ils ont si peu confiance en la Justice de leur pays, pourquoi accepter les honoraires de leurs clients s’ils pensent que les dés sont pipés et que les jugements, comme l’a déclaré l’un d’entre eux, sont déjà écrits ? N’y a-t-il pas là contradiction, voire malhonnêteté ?
Mais reprenons le fil de l’analyse. Confondre les accusés, la ficelle a beau être grosse, le procédé usité, c’est bien celui-ci que certains avocats ont utilisé, avec la « complicité » des médias d’opposition, prompts à les relayer dès lors qu’il s’agit de s’en prendre à ceux qui exercent le pouvoir.
A ce jeu-là, Renaud Allogho Akoué s’est obstinément refusé de se livrer, depuis le début de l’instruction fin novembre 2019 jusqu’au verdict de son procès début août 2022. L’ex-DG de la CNAMGS n’a pas fait de déclarations tapageuses ; pas plus qu’il n’a dénoncé ses conditions de détention ou évoqué des menaces, des intimidations ou encore des tortures. Rien de tout ça. Tout au contraire, interrogé à ce sujet, il a déclaré avoir été traité avec dignité. Les conséquences ne se sont pas faites attendre : il a aussitôt eu droit à un traitement de défaveur de la part des médias d’opposition qui l’ont « accusé » – on se demande encore sur quel fondement… – d’avoir « négocié avec le pouvoir » afin d’obtenir un sort supposé clément.
Renaud Allogho Akoué a par ailleurs interdit à ses avocats d’organiser des conférences de presse-spectacles ou de faire des déclarations incendiaires en son nom. A juste raison. Si on voit le profit médiatique que certains avocats peuvent retirer d’une telle situation, on peine à voir l’intérêt pour leurs clients, sinon à braquer un peu plus contre eux la Justice.
La famille présidentielle, coupable idéal ?
Autre axe majeur de défense prôné par les avocats de certains accusés dans le cadre de l’Opération Scorpion : attraire dans ce procès la famille présidentielle. L’on voudrait faire diversion que l’on ne saurait mieux trouver !
Pour les médias d’opposition, pour qui le président et sa famille sont coupables… euh pardon, responsables de tout, c’est du pain béni. De l’eau providentielle apportée à leur moulin. Qui plus est, parler d’Ali, de Sylvia et de Noureddin Bongo en mal, c’est la garantie d’une audience assurée. La certitude de faire le buzz, tout en alimentant la machine à critiques permanentes du « régime ».
Pour les accusés et leurs défenseurs, cela s’appelle pratiquer la politique de la terre brûlée. « Puisque vous m’avez entrainé dans ce procès, je vous prend par le bras et vous y entraîne à mon tour ».
C’est ainsi que Christian Patrichi Tanasa a affirmé qu’il avait été contraint de verser des centaines de millions de francs CFA à la Fondation Sylvia Bongo Ondimba ou qu’Ike Ngouoni a déclaré que sa villa, d’un montant de 700 millions de Fcfa (acquisition + travaux) était un « cadeau personnel » du chef de l’Etat. Le fils aîné du couple présidentiel, Noureddin Bongo Valentin, lui non plus, n’a pas été épargné.
Ici aussi, il s’agit de faire diversion et de noyer les responsabilités individuelles dans une responsabilité collective, en insinuant que, jusqu’au (plus haut) sommet, tout le monde est impliqué.
Et peu importe au final s’il s’agit d’allégations, c’est-à-dire de propos non étayés par des preuves matérielles. L’essentiel est de faire en sorte que la machine médiatique s’emballe.
Las, ce système de défense, sur ce point également, a volé en éclat suite aux déclarations de Renaud Allogho Akoué. Et pour cause, l’ex-DG de la CNAMGS a pointé du doigts d’autres responsables…
Brice Laccruche Alihanga, responsable de rien ?
Lors de leur procès, la majeure partie des accusés s’est gardée de mettre en cause l’ex-directeur de cabinet de la Présidence. Par amitié ou fidélité ? Par crainte ?
Patrichi Christian Tanasa a certes évoqué « BLA » mais de manière indirecte et pour le moins cursive (lire notre article). Quant à Ike Ngouoni, il s’est montré encore moins prolixe, n’en disant mot.
Pourtant, selon les enquêteurs, l’ex-directeur de cabinet, qui était le supérieur hiérarchique, direct ou indirect, en droit et/ou en fait, de la totalité des autres accusés dans l’opération Scorpion, serait bien la « tête de réseau », comme le qualifie une source judiciaire.
Mais évoquer son nom n’est pas sans risque. Renaud Allogho Akoué l’a appris à des dépens. La deuxième journée de son procès, jeudi 4 août, s’est ouverte sans la présence d’un de ses avocats. L’absence de ce dernier serait liée, selon certains médias, aux déclarations la veille de l’ex-DG de la CNAMGS relatives à Brice Laccruche Alihanga. Un autre de ses avocats a, lui, quitté la salle quand M. Allogho Akoué a cité Gregory Laccruche, le frère de Brice.
Mais l’ex-patron de la CNAMGS n’a pas cédé à la pression. Comme il l’avait déjà fait lors de l’instruction, durant son procès, allant à l’encontre des conseils (des consignes ?) de ses défenseurs, celui-ci a déclaré qu’il prenait ses ordres auprès de l’ex-directeur de cabinet de la Présidence pour ce qui concerne la CNAMGS et de Tony Ondo Mba, le bras droit de « BLA », pour ce qui relevait de l’AJEV. Des déclarations que Renaud Allogho Akoué a réitéré lors de la première journée d’audience mercredi 3 août (lire notre article).
Cette attitude, droite et constante, pourrait au final s’avérait payante. Renaud Allogho Akoué qui a été condamné deux jours plus tard, vendredi 5 août, à 7 ans de prison ferme et qui en a déjà effectué pratiquement trois sous le régime de la détention préventive pourrait bientôt recouvrer la liberté par le jeu des remises de peine.
Une « leçon » que les autres accusés, pour certains déjà condamnés, dans le cadre de l’Opération Scorpion, feraient bien de méditer. Ils sont en tout cas en droit de se demander si leurs avocats les conseillent au mieux de leurs intérêts. A en observer certains, on est davantage enclin à penser que leurs opinions politiques et une certaine tendance à l’auto-promotion, sans parler de l’aspect financier, l’emportent sur toutes autres considérations. A commencer par l’avenir de leurs clients qu’ils contribuent davantage à obscurcir.