La stratégie de riposte du Gabon face au coronavirus pris en modèle ailleurs en Afrique

Le président gabonais Ali Bongo Ondimba lors d'un conseil présidentiel destiné à coordonner la riposte face au Covid-19 le 7 mars 2020 à Libreville © DR

La stratégie de riposte des autorités gabonaises, réactive et exhaustive, est pris en exemple ailleurs en Afrique où le virus continue de se propager, à une vitesse moindre cependant qu’en Europe.

Réputé pour avoir l’un des meilleurs système de santé en Afrique, le Gabon semble faire des émules à mesure que le coronavirus (Covid-19) poursuit sa diffusion en Afrique. Hier, dimanche, l’Afrique comptait 280 cas testés positifs au Covid-19, répartis dans 26 pays. Les plus touchés sont l’Egypte, l’Algérie, la Tunisie, l’Afrique du sud et le Sénégal.

La stratégie gabonaise, portée au plus haut-niveau via l’implication directe du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba, qui a multiplié ces derniers jours les conseils présidentiels et convoque encore aujourd’hui, lundi, un conseil des ministres pour adapter la riposte face au Covid-19 – peut se résumer ainsi : frapper vite et fort en prenant dès que nécessaire les mesures adaptées à l’évolution de la situation, fussent-elles draconiennes. En somme, porter l’effort en amont, sur le volet préventif.

Vendredi soir, le porte-parole du gouvernement gabonais, Edgard Anicet Mboumbou Miyakou, a égrainé les mesures additionnelles drastiques, d’aucuns diraient spectaculaires, prises à titre préventif – le Gabon ne compte qu’un seul cas positif à cette heure – pour retarder au maximum la propagation de l’épidémie.

« Frapper vite et fort car mieux vaut prévenir que guérir »

Parmi celles-ci, la suspension des visas touristiques en provenance des zones les plus infectées, à savoir l’Union Européenne, la Chine, la Corée du Sud et les Etats-Unis ; la fermetures des crèches, des établissements scolaires, des universités et des centres de formation professionnelle sur l’ensemble du territoire jusqu’au 30 mars inclus ; la fermeture des bars et boîtes de nuit jusqu’à nouvel ordre ; l’interdiction de rassemblement de plus de 50 personnes sur tout le territoire national ; la suspension des événements sportifs et culturels nationaux ; ainsi que la tenue à huis-clos de tous les événements sportifs internationaux. Il est par ailleurs recommandé aux Gabonais de n’utiliser les transports publics que pour les déplacements indispensables.

« Chaque jour, la riposte sera réévaluée et ces mesures susceptibles d’être renforcées suivant l’évolution de la situation », a précisé le porte-parole du gouvernement qui, en outre, a rappelé les mesures d’hygiène et de distanciation sociale utiles au freinage du virus, ainsi que sur le numéro vert gratuit (le 1410) mis en place pour signaler d’éventuels cas suspects.

Si quelques voix, très marginales, se sont élevées pour qualifier de « disproportionnées » de telles mesures, celles-ci ont été très largement saluées à la fois par les Gabonais et par la communauté médicale internationale.

A l’image de Singapour ou de Taïwan

En somme le Gabon a choisi de frapper vite et fort. « C’est la bonne option », affirme un responsable de l’OMS en Afrique centrale. « En la matière, mieux vaut prévenir que guérir. Plus on agit tôt, mieux c’est, car cela permet de ralentir la propagation du virus et donc de limiter le nombre de patients infectés en même temps. On évite ainsi de saturer le système hospitalier. C’est la leçon à tirer des pays asiatiques qui ont le mieux gérer la crise comme Singapour ou Taïwan », explique ce spécialiste.

D’une manière générale, la vigueur de la réaction des autorités et leur absence de tergiversation ont été largement saluées par la communauté médicale internationale.

« Il ne fallait pas tergiverser », confie un membre du cabinet du ministre de la Santé. La clé dans cette épidémie est d’en retarder au maximum la diffusion. « On constate de l’expérience asiatique que le virus se propage durant plusieurs semaines. Dans ce laps de temps, l’objectif est qu’un minimum de sujets soient touchés afin qu’ils puissent être au mieux pris en charge par le système sanitaire », fait-il savoir.

Pour parer à toute éventualité, en sus des mesures préventives de freinage (fermeture d’établissements, interdiction des événements de plus de cent personnes…), le Gabon a réquisitionné l’hôtel Re-Ndama pour augmenter ses capacités d’accueil en confinement. Le signe que les autorités se préparent à tous les scenarii afin de ne pas être prises au dépourvu.

L’efficacité de la riposte gabonaise s’est vérifiée à l’occasion de la détection la semaine dernière du patient zéro (le premier cas testé positif dans le pays). Dès les premiers symptômes apparus, son père a appelé le numéro vert (le 1410). Après diagnostic opéré par le Centre internationale de recherche médicale de Franceville (CIRMF), le jeune Gabonais de 27 ans qui revenait d’un séjour en France a aussitôt été pris en charge à l’hôpital d’instruction des armées de Libreville par une équipe dédiée. Une fois confirmé positif, le patient a subi les soins appropriés. Il est désormais hors de danger (lire notre article). Depuis, son entourage familial et professionnel a été placé en quatorzaine par mesure de précaution afin d’éviter tout risque de propagation.

Une riposte exhaustive qui prend en compte l’alimentaire et l’économique, sans oublier la communication

Outre les aspects sanitaires, les autorités gabonaises ont également pris une série de mesures destinées à prévenir toute pénurie alimentaire via la mise en place d’un numéro vert destiné aux importateurs de denrées (le 2550) et réfléchit à une série de dispositifs pour amortir l’impact économique de la pandémie. « Il s’agit d’apporter une réponse à la fois réactive et exhaustive, autrement dit globale afin de ne pas ajouter d’autres crises à la crise », indique-t-on au ministère de l’Economie.

Les autorités gabonaises ont, à l’instar de leurs homologues ailleurs dans le monde, conscience de la nécessité de délivrer régulièrement une information vérifiée aux populations. C’est ainsi que depuis jeudi dernier, le secrétaire général du ministère de la Santé, le Dr Guy-Patrick Opiang tient un point d’information régulier sur l’évolution dans le pays du Covid-19. Un bilan désormais quotidien qui vise à informer les populations et, ce faisant, à dissiper les craintes et inquiétudes exagérées.

Le Gabon fait des émules

Au départ, perçue avec curiosité par les autres pays africains qui l’estimaient « démesurée » et « exagérée », la stratégie de riposte gabonaise est aujourd’hui scrutée avec attention sur le continent. Quelques heures seulement après l’annonce par le Gabon d’une série de mesures drastiques, plusieurs pays africains lui ont emboîté le pas. C’est le cas du Rwanda et du Sénégal, deux des pays dont le système sanitaire est le mieux organisé sur le continent. Sans doute pas un hasard…