Dans sa dernière édition, La Lettre du Continent (n° 774 du 4 avril 2018) revient sur Jean-Fidèle Otandault, le ministre gabonais du Budget. Celui-ci aurait été « marginalisé », écrit notre confrère, suite à la nomination d’un nouveau directeur général à la Direction du Budget et des Finances Publiques (DGBFP), en septembre dernier. C’est bien le cas en effet. Mais sans doute n’est-il pas inutile de rappeler certains éléments que la brièveté de l’article n’a sans doute pas permis d’évoquer.
Pour nous simplifier la tâche, il y a une question à poser d’emblée et qui, en réalité, permet de clarifier l’ensemble de ces éléments : pourquoi Jean-Fidèle Otandault a-t-il été éloigné de la super Direction du Budget et des Finances Publiques ? Réponse en trois points :
– pour des raisons institutionnelles tout d’abord :
Jean-Fidèle Otandault, directeur général de la DGBFP depuis 2015, a été nommé ministre du Budget au Gabon le 24 août 2017. Ne pouvant cumuler les deux fonctions (opérationnelles et celles relatives à la tutelle), il a donc fallu le remplacer, ce qui a été fait un mois plus tard, le 26 septembre avec la nomination par décret en conseil des ministres de Fabrice Bongo Andjoua à la tête de la DGBFP.
– pour des raisons d’exemplarité (disons-le ainsi…) ensuite :
Dans son édition Afrique du 21 mars 2018, La Libre Belgique, l’un des plus grands quotidiens francophones, l’indique de manière très détaillée au détour d’un article intitulé : « Gabon : comment Maixent Accrombessi tente de revenir au centre du jeu ». Car c’est bien M. Accrombessi, l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo, qui a nommé en 2015 son « ami » Jean-Fidèle Otandault à la tête de la DGBFP. Pour quelles raisons ? Nous reproduisons ici deux passages particulièrement explicites de l’article pré-cité :
« Pour faciliter la gestion de ces flux [d’argent public] et faire en sorte qu’une partie échappe au Trésor Public gabonais, Accrombessi et Otandault conçoivent un dispositif à leur main », explique La Libre Belgique, qui poursuit : « Une super direction du Budget est créée qui regroupe quatre anciennes directions générales, dont la Direction générale du Budget, la Direction générale des Marchés publics, la Direction de l’Exécution budgétaire et la Direction générale du contrôle financier. Un mécano institutionnel qui permet au duo d’amis d’enfance de contrôler la totalité de la chaîne budgétaire depuis l’inscription et l’élaboration du budget jusqu’à son exécution, en passant par le contrôle financier et l’attribution des marchés publics », précise le quotidien belge.
Et l’auteur de l’article de convoquer quelques témoins ou observateurs de cette époque (semble-t-il dorée pour certains…). « Les années durant lesquelles Maixent Accrombessi a occupé les fonctions de directeur de cabinet à la présidence du Gabon ont été des années perdues pour le Gabon. L’intérêt des populations a été pris en otage par les intérêts particuliers. Le niveau de corruption, déjà élevé, a atteint des sommets », déplore l’un des principaux responsables de l’opposition gabonaise. Dans son livre « Nouvelles affaires africaines. Mensonges et pillages au Gabon » (paru en 2014 aux éditions Fayard), Pierre Péan rapporte, p. 205, le propos suivant : « Maixent contrôle tout et bouffe tout […] Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, il n’y a plus d’argent dans les caisses ».
Voilà pourquoi dès l’arrivée du nouveau directeur de cabinet d’Ali Bongo, Brice Laccruche Alihanga, nommé en conseil des ministres le 25 août 2017, la décision a été prise très rapidement de pourvoir le poste de DG de la DGBFP par une personnalité qui ne soit pas proche de Maixent Accrombessi et de Jean-Fidèle Otandault. C’est donc moins une question d’incompatibilité personnelle entre tel ou tel (même si les inimitiés sont certaines) que la volonté de mettre un terme à certaines pratiques qui motive la situation actuelle au sein de le DGBFP.
– pour des raisons « politiques » enfin (ou pour des raisons d’image diront certains) :
Le Gabon tente depuis plusieurs mois de tourner la page des années Accrombessi qui ont été dévastatrices pour l’image d’Ali Bongo auprès de la population. L’homme, d’origine béninoise, n’a jamais été apprécié par les Gabonais. Et ce n’est sans doute pas l’affaire Marck pour laquelle il a été mis en examen pour corruption en novembre dernier par un magistrat du pôle financier en France qui contribuera à améliorer les choses. Voilà pourquoi son possible retour au Palais, incompréhensible pour les Gabonais, est source de crispation.
Ainsi, compte tenu de ce qui précède, on comprend mieux pourquoi Maixent Accrombessi et Jean-Fidèle Otandault font des pieds et des mains pour récupérer le poste – ou, à tout le moins, une partie des attributions qui y sont rattachées – de directeur général de la DGBFP, utilisant au besoin force arguments pour parvenir à leurs fins… mais en omettant manifestement de mentionner certains détails.