Gabon : vives tensions dans le camp de l’opposition après sa lourde défaite aux élections

Les élections couplées, législatives et locales, du samedi 6 octobre au Gabon ont été catastrophiques pour l'opposition. Ce qui permet à Jean Ping de garder le sourire... © DR

Si les résultats définitifs des élections couplées, législatives et locales, du samedi 6 octobre se font encore attendre, la lourde défaite de l’opposition ne fait aucun doute au vu des résultats provisoires. Entre ses différents leaders, les tensions, déjà très fortes, s’en trouvent renforcées. 

L’opposition gabonaise est groggy, sonnée par l’ampleur d’une large défaite annoncée au terme du premier tour des élections législatives et locales qui ont eu lieu samedi 6 octobre. Contre toute attente, certaines de ses principales figures ont essuyé une lourde déconvenue.

Alexandre Barro Chambrier, le président du Rassemblement Héritage et Modernité (RHM), jadis leader incontesté dans le quatrième arrondissement de Libreville, est contraint à un périlleux deuxième tour par le jeune candidat du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), Séverin Pierre Ndonc Ekomi, dont c’était la première candidature à des élections.

Pour Guy Nzouba Ndama, alias « Moukombo », la situation est encore pire. L’ex-inamovible président de l’assemblée nationale a été littéralement étrillé dans le deuxième arrondissement de Koula-Moutou (sud-est) par le très populaire candidat du PDG, Jean Massima. Agé de bientôt 72 ans, l’homme débute sans doute son crépuscule politique.

Idem pour l’opposant modéré Jean de Dieu Moukagni Iwangou, qui briguait le siège unique de député dans la commune de Mouila. Il serait battu à plate couture, ne terminant que quatrième du scrutin législatif.

Autre ténor de l’opposition à être tombé de son piédestal, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, commissaire au budget de l’Union Nationale (UN) et ancien porte-parole de l’opposant Jean Ping. Il enregistre un score très faible, loin, très loin, de ses attentes. L’homme, réputé pour sa très grande confiance en lui, était persuadé qu’il l’emporterait dès le premier tour.

Idem pour l’indépendant Franck Nguema (ex-UN) dans le deuxième arrondissement d’Akanda, au nord de Libreville. Admis au deuxième tour face au candidat du PDG, Joseph Minko Olenga, il est en ballottage défavorable.

Quant à Paul Marie Gondjout, le secrétaire exécutif adjoint de l’Union Nationale (UN), candidat au premier siège de député dans le premier arrondissement de la commune de Lambaréné, il a préféré reconnaître dès le lendemain du scrutin sa défaite. L’écart était en effet trop grand avec le score enregistré par Madeleine Berre, la ministre de la Promotion des investissements, qui concourrait sous l’étiquette du PDG.

Altercation entre les ex-alliés du RHM et de l’UN

Le lendemain du scrutin, une vive explication (certains témoins parlant même d’altercation) a eu lieu entre les dirigeants du RHM, dont Alexandre Barro Chambrier, et ceux de l’UN, dont Zacharie Myboto et Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, qui avaient noué une alliance de circonstance lors de ces élections, qui s’est au final révélée infructueuse. « Les uns ont tenté de rejeter la responsabilité de la défaite sur les autres et vice versa », raconte un opposant qui a assisté à la scène. « On sent que les tensions sont vives car en jeu, il y a la lutte pour le leadership au sein de notre camp », explique-t-il.

Les tensions au sein de l’opposition sont d’autant plus vives qu’elle ne peut, cette fois-ci, utiliser l’argument de la fraude, comme dérivatif. « Il faut reconnaître que les conditions du scrutin ont été, dans l’ensemble, largement transparentes. Dans ces circonstances et vu les écarts de voix avec la majorité, crier à la fraude ne ferait que nous décrédibiliser », admet l’un des dirigeants de l’UN, rompu aux joutes électorales.

Ping jubile

« Nous savions, dans le contexte actuel, qu’il aurait été très difficile de contraindre le pouvoir à une cohabitation. Mais nous comptions tout de même réaliser un score honorable pour avoir une tribune à l’assemblée nationale. C’est dommage mais force est de constater, sans attendre le deuxième tour le 27 octobre prochain, que nous avons, nous l’opposition, collectivement rater la marche », déplore, de son côté, un responsable national du RHM.

Mais l’opposition n’est pas déçue dans son ensemble. Les résultats électoraux de samedi ont au moins fait un heureux : Jean Ping, qui avait pris le risque de boycotter ces scrutins. Pari gagner pour le leader de la Coalition pour la Nouvelle République car aucune autre figure de l’opposition ne semble être en mesure désormais, compte tenu des scores réalisés, de lui ravir à court terme son statut de leader.