Gabon : Quand Rose Christiane Ossouka Raponda mouche Mays Mouissi sur la dette

Le premier ministre gabonais, Rose Christiane Ossouka Raponda, interviewé le 7 septembre 2020 sur TV5MONDE © DR

Dans une longue interview accordée lundi 7 septembre sur TV5MONDE, le premier ministre, économiste chevronné, a été interrogé sur la question du niveau d’endettement dont l’opposition et ses relais se sont résolus à faire l’un de leurs angles d’attaque. Sa réplique, cinglante, a fusé. 

Interrogé hier par Matthieu Vendrely, journaliste de TV5MONDE, sur le niveau d’endettement, estimé trop élevé par l’activiste Mays Mouissi, qui se présente sur les plateaux de télévision comme « analyste économique », Rose Christiane Ossouka Raponda, économiste diplômée et chevronnée, y a apporté un démenti cinglant.

« Que ce dernier (Mays Moussi) nous dise quel pays s’est développé sans s’endetter ? Quand on lève de la dette, c’est pour développer une économie. On ne peut développer un pays sur la base des seules ressources propres. L’endettement sert à donner une bouffée d’oxygène à nos entreprises en temps de crise, à créer des emplois, faire des investissements d’avenir », a rétorqué le premier ministre.

Et de conclure, tranchante : « Aujourd’hui, en raison de la contraction de l’économie, le poids de la dette est plus important qu’hier. Mais quand l’économie repartira, ce taux d’endettement mécaniquement diminuera. Que Mays Moussi nous dise donc quel pays s’est développé sur la base de ressources propres. »

L’opposition pense avoir trouvé dans le niveau d’endettement un angle d’attaque

Les critiques de l’opposition sur le niveau d’endettement du Gabon ne surprennent pas ce professeur en science politique de l’UOB. « L’opposition cherche à tout pris un angle d’attaque. Comme elle ne peut se situer sur le terrain de la riposte sanitaire sur laquelle le Gabon a excellé (la première vague de l’épidémie de Covid-19 est en passe d’être vaincue, NDLR), elle essaie de trouver autre chose. C’est le cas notamment du déconfinement qui, selon elle, n’irait pas assez vite ou encore du niveau d’endettement », explique l’universitaire.

Précisément, dans une autre interview parue hier lundi 7 septembre dans L’Union, Rose Christiane Ossouka Raponda avait indiqué que « le taux d’endettement devrait se situer à 64 % du PIB contre 54,6 % en 2019″ (lire notre article).

Mais pour ce chef économiste d’une grande banque panafricaine basée à Johannesburg en Afrique du Sud, « la question du niveau d’endettement supposément trop élevé du Gabon est un faux-procès ».

« Quand il y a un incendie, on ne chipote pas sur le nombre de litres d’eau dans le sceau »

« Tous les pays dans le monde ont été contraints de relever leur niveau d’endettement en raison de l’épidémie de Covid-19 qui a entraîné une chute du cours des matières premières et une baisse très forte de la demande mondiale. Ne pas le faire aurait été irresponsable. Quand il y a un incendie et qu’il faut l’éteindre, on ne chipote pas sur le nombre de litres d’eau dans le sceau », fait-il observer avec une ironie mordante.

De fait, ces derniers mois, pandémie de Covid-19 oblige, aucun pays dans le monde n’a échappé à l’alourdissement de sa dette. En France, par exemple, celle-ci est passée de 100 % du PIB à 120 % car il a fallu réinjecter massivement des capitaux pour sauver les entreprises et les emplois. Idem aux Etats-Unis où la dette fédérale est passée de 80 % avant le début de l’épidémie de Covid-19 à 100 % aujourd’hui.

Au demeurant, la dette du Gabon fait pâle figure par rapport à d’autres pays. Au Japon, le niveau d’endettement est de… 240 % du PIB !

« Ensuite », poursuit le chef économiste de cette grande banque panafricaine, « Un taux d’endettement dans l’absolu ne signifie rien. Pour savoir s’il est trop élevé ou pas, il faut tenir compte de la capacité de celui qui s’endette à rembourser. Or, de ce point de vue, le Gabon est perçu comme solide, contrairement à d’autres pays, le Congo par exemple qui risque de faire défaut », argumente l’économiste (lire à ce sujet cet article).

Tartuffe

Dans son interview à TV5MONDE, le premier ministre gabonais ne dit d’ailleurs pas autre chose. « Le fait que les bailleurs de fonds prêtent de l’argent au Gabon, c’est le signe qu’ils ont confiance. Ils ne prêtent en effet que s’ils ont la conviction qu’ils seront remboursés », fait-elle observer.

A juste titre. Sur le continent africain, la dette du Gabon est considérée, compte tenu de la capacité intrinsèque du pays à la rembourser (liée à la politique de diversification de son économie, à sa propension à faire des réformes structurelles, à augmenter dans le temps ses recettes fiscales, etc.), comme l’une des plus soutenables.

C’est la raison pour laquelle l’agence Moody’s, l’une des trois références mondiales dans son domaine, a relevé en juin dernier la note souveraine du Gabon. Au moment même où le pays levait des capitaux de façon importante pour faire face aux conséquences de la crise du Covid-19 (lire notre analyse).

Sans doute la meilleure réponse à apporter aux Tartuffe de tout poil qui, sous prétexte d’économie, livrent en réalité un combat politique, pour ne pas dire politicien.