Gabon : Pour le ministre français des Affaires étrangères, Ali Bongo Ondimba est pleinement président

A la question d’un député français qui affirmait que le chef de l’Etat gabonais, victime d’un AVC en octobre 2018, était dans l’incapacité d’exercer le pouvoir, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a opposé un silence plombant. Manière diplomatique mais catégorique de balayer les insinuations du parlementaire et de rappeler la ligne de l’Exécutif hexagonal, portée par le président Emmanuel Macron : le Gabon est un Etat ami dont le chef légitime s’appelle Ali Bongo Ondimba.

Pour le camp de Jean Ping, la joie n’aura été que de courte durée. Quelques secondes à peine. Le temps du non-réponse.

Hier, mercredi 8 juillet, le député du Mouvement démocrate (MoDem), Bruno Fuchs, connu pour sa proximité avec les oppositions africaines de tous bords, a tenu des propos peu amènes à l’endroit du Gabon et de son président.

« Le chef de l’État n’est plus en mesure de présider son pays depuis 18 mois en raison de son état de santé », a affirmé, péremptoire, Bruno Fuchs, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Le député du Haut-Rhin s’exprimait à l’occasion de la séance des « Questions au gouvernement ». Sa question, adressée au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ne portait pas directement sur le Gabon mais sur le sort de l’opposant malien Soumaïla Cissé, kidnappé il y a quatre mois par des djihadistes.

En fait de réponse, c’est un silence pesant qu’a opposé le ministre des Affaires étrangères français au député du Modem. « Il ne pouvait en être autrement », se justifie-t-on dans l’entourage du ministre. « Le Gabon est un Etat indépendant, souverain, ami de la France dont le président légitime et reconnu par la communauté internationale est M. Ali Bongo Ondimba », poursuit-on, rappelant ainsi la ligne diplomatique officielle de Paris à l’égard de Libreville.

« Cette question donne l’impression que le sort du Gabon en 2020 se décide encore à Paris »

La même gêne est palpable du côté de La République en marche, le parti d’Emmanuel Macron. « Cette question donne l’impression que le sort du Gabon en 2020 se décide encore à Paris. En termes de modernité et de renouveau, on aurait pu mieux faire (…) En outre, elle est posée à un moment où le président gabonais a été particulièrement visible ces derniers mois à l’occasion de la crise du Covid-19. On donne l’impression de mal maîtriser le contexte, d’être en retard de plusieurs épisodes et, au final, de tenir des affirmations gratuites », déplore un député LREM, élu du Sud-Ouest.

De fait, le Gabon est considéré en Afrique, par l’ONU, l’OMS et nombre d’institutions internationales, comme l’un des pays les plus efficaces dans la riposte contre le Covid-19. Il est en Afrique, celui qui, par tête d’habitant, teste le plus sa population. Il est également celui où le taux de létalité dû au virus est le plus faible (0,66 % en moyenne contre 2,66 % sur l’ensemble du continent). Or, c’est bien Ali Bongo qui a mené et incarné la riposte ces derniers mois face au virus, aussi bien sur le plan sanitaire que dans la gestion des conséquences économiques et sociales de la pandémie (le Gabon a mis en place un plan de redressement de 250 milliards de francs CFA, NDLR).

Une initiative personnelle, isolée, à rebours de la ligne diplomatique officielle

Pour ce diplomate français, passé par la Direction Afrique du Quai d’Orsay, la question de ce député doit être resituer à sa juste proportion. « D’abord, sur le fond, la question porte sur un opposant malien, Soumaïla Cissé, et non sur la situation au Gabon qui est évoquée en incidente. Ensuite, elle est posée par un député dans une assemblée qui en compte 577, qui plus est membre d’un petit parti de la majorité qui ne compte que deux ministres, de second ordre, sur 31 dans le gouvernement. Enfin, il est d’usage que des députés, à titre souvent personnel, souvent mus par une forme de romantisme, prennent fait et cause pour les oppositions en Afrique, sans bien maîtriser le contexte politique local », explique en termes pudiques le diplomate, aujourd’hui en poste en Afrique de l’Est après l’avoir longtemps été en Afrique centrale en début de carrière. « Ils reprennent des éléments de language fournis par quelques activistes qui les assaillent du matin au soir », complète-t-il.

« Politiquement, ça permet de faire un effet de manche, mais ça n’a aucune incidence », renchérit un spécialiste français de géopolitique, rattaché à l’Université Panthéon-Sorbonne. « Ce député exprime un point de vue personnel, probablement isolé, et non celui de son parti et a fortiori de la majorité parlementaire, et encore mois de l’Exécutif français qui concentre tous les pouvoirs, en particulier dans un domaine aussi régalien que les Affaires étrangères », fait-il observer.

Et pour cause, explique l’universitaire, « la ligne diplomatique française, un temps brouillée sous François Hollande, est aujourd’hui très claire ». Le président français Emmanuel Macron a publiquement, et à plusieurs reprises ces deux dernières années, affiché un franc soutien envers le président gabonais Ali Bongo (lire notre article). Et les visites ministérielles, un temps à l’arrêt entre Libreville et Paris, ont repris depuis janvier, comme le montre la venue en début d’année dans la capitale gabonaise du ministre français délégué aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne (lire notre article). Enfin, à Paris, on rappelle aujourd’hui qu’une invitation avait été adressée au président Ali Bongo pour qu’il participe au Sommet Afrique-France prévu le 6 juin 2020 à Bordeaux (France), avant que celui-ci ne soit annulé en raison de la pandémie de Covid-19.

Jamais autant qu’aujourd’hui Paris et Libreville n’ont été aussi proches

De sorte que, selon lui, jamais depuis ces dix dernières années, les liens diplomatiques entre la France et le Gabon n’ont jamais été aussi forts. « Il faut dire que les intérêts en jeu sont majeurs. Paris a besoin de Libreville dans des dossiers aussi importants que la lutte contre le réchauffement climatique et la défense de l’Accord de Paris sur lesquels le Gabon est en pointe sur le continent, mais également dans plusieurs dossiers sécuritaires comme la RCA, la lutte contre le terrorisme en Afrique centrale ou contre la piraterie dans le Golfe de Guinée…, mais également en matière économique. Je rappelle qu’Eramet, le dernier minier français, est co-actionnaire de l’Etat gabonais dans l’exploitation du manganèse, un minerai stratégique », rappelle ce géopolitologue.

Au final, cet épisode, que d’aucuns qualifient d’épiphénomène ou d’anecdotiques, dans les milieux diplomatiques franco-gaboanais, a le mérite de rappeler quelques fondamentaux. D’une part, qu’en matière politique, la question importe peu ; c’est la réponse qui compte. Et que, d’autre part, il est des silences qui en disent bien davantage que de longs discours.