Gabon : Polémique après la décision du Conseil de l’ordre de suspendre pour trois mois un avocat qui a simplement fait son travail

Le Conseil de l'ordre des avocats du Gabon est dirigé par Me Lubin Ntoutoume © DR

Au Gabon, le Conseil de l’ordre des avocats a, le 17 mars dernier, décidé de suspendre pendant trois mois de l’exercice de ses fonctions Me Ferdinand Abena Bidzo’o. Son crime ? Avoir bravé la décision (controversée) du Conseil de l’ordre de boycotter les audiences devant les juridictions pénales.  

Autant la décision de suspendre Me Jean Paul Moubembe en raison de ses propos antirépublicains et discriminatoires à l’encontre des avocats d’ethnie fang est amplement justifiée (lire notre article), autant celle frappant pour trois mois Me Ferdinand Abena Bidzo’o, prise par le même Conseil de l’ordre des avocats du Gabon le 17 mars dernier s’apparente à un oukase injustifié.

Son seul crime : avoir fait passer l’intérêt de son client avant tout et, ce faisant, osé braver l’interdiction décrétée par le Conseil de l’ordre le 10 mars dernier à l’endroit de ses membres de plaider lors « des audiences criminelles en cours et à venir ». Une décision prise pour protester contre l’interpellation et l’incarcération d’un de leurs confrères, Me Irénée Mezui Mba, accusé d’avoir détourné des centaines de millions de francs CFA (voir notre flop).

A l’appui de sa décision, le Conseil de l’ordre prétend que Me Ferdinand Abena Bidzo’o aurait porté atteinte à « l’honorabilité de la profession » d’avocat. Un motif hautement contestable pour cet avocat qui a requis l’anonymat. « Dire que parce que notre confrère a plaidé, il a porté atteinte à l’honorabilité de la profession est totalement abusif. Cela ne tient pas du tout ». L’intéressé pourrait d’ailleurs, selon certaines sources, porter l’affaire devant le Conseil d’Etat. « En ce cas, il est quasi-certain d’avoir gain de cause », soutient notre avocat.

Comme nombre de ses confrères, celui-ci, même s’il n’ose s’exprimer publiquement, dénonce la décision, qu’il juge « autoritaire » mais aussi « incohérente » du Conseil de l’ordre d’interdire à ses membes de plaider lors des audiences criminelles. « Le Conseil de l’ordre interdit à nos confrères de plaider lors des audiences criminelles, mais pas civiles, commerciales ou administratives. Pourquoi une telle différence ? », s’interroge l’homme de droit.

Il n’y a pas qu’au sein de la profession que la décision du Conseil de l’ordre est vigoureusement contestée. Cette semaine, Patrichi Tanasa, Ike Ngouoni et Renaud Allogho Akoué, tous trois inculpés dans le cadre de l’affaire Scorpion, ont vu leur procès ajourné en raison de la « grève » de leurs avocats. Incompréhensible et révoltant pour leurs familles qui attendaient ces audiences depuis de longs mois.