Gabon : Majorité et opposition font bloc derrière le maire de Libreville, Léandre Nzué, sans dissiper le malaise

Le maire de Libreville, Léandre Nzué (archives) © Facebook / Léandre Nzué

Fait rarissime, jeudi 10 septembre, les différents groupes politiques siégeant au Conseil municipal de Libreville ont fait une déclaration commune pour dénoncer les informations véhiculées sur les réseaux sociaux au sujet d’une éventuelle convocation, voire une arrestation du maire de la ville par les services de la contre ingérence et de la sécurité militaire. Si ce point apparaît légitime, en revanche, leur revendication concernant le respect de la souveraineté du Conseil municipal auquel ils appellent fait polémique. Celui-ci s’apparente en effet à une tentative d’entrave à la Justice au moment où celle-ci semble s’intéresser de près à la gestion de la capitale. Explication.

Pour une fois, ils étaient tous là. Unis. Majorité et opposition confondues dans une rare unanimité. « Par esprit de corporatisme. Quand les politiques sont d’accord, quelque soit leur bord, c’est qu’il y a anguille sous roche », commente Antonin, un jeune ingénieur au sein d’une compagnie pétrolière, interrogé ce matin à bord de son véhicule à Libreville en partance pour Port-Gentil.

Hier, jeudi 10 septembre, les représentants du Parti démocratique gabonais (PDG), Marc Sergent Anguilet, de l’Union nationale (UN), Chantal Myboto, des Sociaux-démocrates (SDG), Placide Ndong Meyo et du Centre des Libéraux réformateurs (CLR), Patricia Taye, siégeant tous au Conseil municipal de la Commune de Libreville, ont organisés une conférence de presse afin de dénoncer ce qu’ils considèrent comme une « avalanche de coups publics sur les responsables d’institutions municipales » en référence à certaines informations véhiculées sur les réseaux et reprises dans certains médias concernant une éventuelle convocation, voire même d’une interpellation du maire de Libreville, Léandre Nzué, par les services de la contre-ingérence ou de la sécurité militaire.

Rare exemple d’unanimisme entre majorité et opposition

Certes, ces membres du Conseil municipal de Libreville n’ont pas explicitement condamné ces agissements. Reste qu’ils apportent de façon unanime leur soutien à l’édile, parlant même d’« acharnement ». « Les présidents des groupes politiques, ne préjugeant en rien des faits évoqués, nous pensons, cependant et tout rationnellement, que l’acharnement qui est constaté corrompt malheureusement la bonne foi de certains », ont-ils déclaré.

Si ce point de vue fait consensus, en revanche, un autre fait, lui, davantage polémique. Dans leur déclaration, les chefs de groupe politique appellent au respect de la souveraineté du Conseil municipal. « Tout semble se passer comme s’il n’existe plus de Conseil municipal à Libreville composé d’élus, c’est-à-dire des représentants des citoyens, qui ont à dire si ce n’est à décider ». Et les conseillers municipaux de souligner que « le contrôle de l’action du Conseil municipal se fait aussi à l’occasion de l’examen des comptes administratifs et de gestion ».

« Curieusement et malencontreusement, nous voyons d’autres personnes décidées à ravir la souveraineté du Conseil municipal. Tout porte à croire que l’Etat n’a aucun regard sur le Conseil municipal ». Or, ajoutent-ils, « l’Etat exerce effectivement un double contrôle administratif et financier par la tutelle du ministère de l’Intérieur et du ministère des Finances. L’Etat exerce aussi un contrôle juridictionnel par la Cour des comptes ». 

Tentative d’entrave à la Justice ?

C’est ce point qui a aussitôt suscité la polémique et vaut aujourd’hui au Conseil municipal de Libreville d’être taxé de corporatisme et de… tentative d’entrave à la Justice. En effet, le 18 juin dernier, le maire Léandre Nzué avait déclaré, sans filtre : « Moi je suis Pdgiste. C’est grâce au président Ali Bongo que je suis ici. Je prépare déjà 2023. Je dois sécuriser les votes d’Ali Bongo à Libreville. Je suis de Libreville ! » (lire notre article). Des propos qui laissent clairement supposer l’existence d’un éventuel trafic d’influence et qui pourraient ainsi tomber sous le coup de la loi pénale. A cela s’ajoute de nombreuses critiques sur la gestion de M. Nzué qui a été porté à la tête du Conseil municipal en février 2019.

Quelles que soient les suites données à cette affaire, tout cela fait mauvais genre au sein de la majorité. Alors que la Présidence de la République est résolue à faire de la transparence de la vie publique son mantra et à lutter « structurellement » contre la corruption, le halo de soupçons qui se dégagent de la mairie de Libreville brouille sans conteste ce message.