Gabon : Léandre Nzué, le maillon faible du PDG

Le maire de Libreville, Léandre Nzué, traverse une mauvaise passe © DR

Critiqué pour sa gestion, le maire de Libreville a multiplié les bourdes ces derniers temps. Au point qu’au sein de la majorité, les voix sont de plus en plus nombreuses à s’élever pour appeler à sa démission. 

Sale temps pour Léandre Nzué. Depuis quelques jours, le maire PDG de la capitale, Libreville, voit déferler sur lui une vague de critiques dont la hauteur semble croître un peu plus chaque jour.

Le 18 juin dernier, à l’occasion d’une conférence de presse convoquée au débotté, l’édile a été la star des réseaux sociaux. A son corps défendant. Dans une vidéo devenue virale, les internautes l’ont découvert, ébahis, tenant des propos justifiant le clientélisme.

« En 2009, nous n’avons pas gagné à Libreville. On a gagné dans le Gabon en général. Moi je suis de Libreville. En 2016, on a pas gagné à Libreville. Je suis Pédégiste. C’est grâce à Ali Bongo que je suis là. Les gens qui ont été embauchés, ils se reconnaissent. Ils considèrent que c’est Ali Bongo qui leur a donné du travail. Ça me fait déjà un électorat sûr », a-t-il jugé bon de déclarer. Et l’édile de persister : « Moi je suis Pdgiste. C’est grâce au président Ali Bongo que je suis ici. Je prépare déjà 2023. Je dois sécuriser les votes d’Ali Bongo à Libreville. Je suis de Libreville ! »

Depuis, au Palais du Bord de mer, on ne décolère pas. « M. Nzué a commis une faute morale et une faute politique. Morale car de telles pratiques ne se justifient pas. Politique, car ce faisant, il a volontairement exposé le Président, qui n’a rien à voir dans tout ça, au lieu de le protéger. En réalité, il a utilisé le chef de l’Etat comme un bouclier afin de se défendre et éviter d’avoir à s’expliquer. Ca s’appelle se défausser de ses responsabilités », vitupère l’un des conseillers d’Ali Bongo Ondimba.

Ces déclarations sont peu être la goutte d’eau qui font déborder un vase qui n’a cessé de se remplir depuis l’élection en février 2019 de Léandre Nzué, à la place de Rose Ossouka Raponda, nommée au gouvernement au poste de ministre de la Défense en remplacement d’Etienne Massard Kabinda.

Depuis un an, les principaux chantiers de la ville, la réfection de la voirie, le ramassage et le traitement des ordures ménagères ou encore l’explosion de la masse salariale, n’ont guère avancé. « Léandre Nzué a été élu sur la promesse du renouveau. Pour l’heure, on attend toujours d’en voir ne fut-ce que le début du commencement », cingle, ironique, l’un des élus de la municipalité.

L’adoption, début juin, du budget primitif n’a fait qu’accroître le doute. Une ligne de ce budget a en particulier nourri le flot de la critique : celle sur les travaux de réfection des voies secondaires. Aucun budget n’a été prévu pour elles alors qu’il s’agit d’une des préoccupations majeures des habitants. « A l’inverse, 4 milliards ont été dégagés pour le cabinet du maire », fait observer un autre élu de la municipalité.

Une incongruité parmi d’autres qui soulève nombre d’interrogations et alimentent le doute sur la capacité du maire actuel à gérer une localité qui concentre plus du tiers des habitants du pays (800 000 sur 2,1 millions que compte le Gabon).

Erreur de casting

« Il y a peut-être eu une erreur de casting. Si c’est le cas, autant le reconnaître et prendre la décision qui convient le mieux à l’intérêt général », suggère un haut responsable du PDG dans la province de l’Estuaire. « Ce qu’il faudrait, c’est un homme compétent en matière de gestion et de management, du profil d’Yvon Patrick Rombogouera (qui vient d’être élu maire d’Akanda lundi 22 juin, NDLR). La population est fatiguée des apparatchiks et des politiciens madrés. Ils veulent de l’efficacité et des résultats dans la mise en oeuvre des politiques publiques », plaide ce responsable d’une association apolitique qui prône la bonne gestion au sein de la capitale.

Se sentant en danger, le maire vient de lancer une campagne de communication au nom explicite – « Touche pas à mon maire » – qui vise à valoriser son bilan au terme de près d’une année et demie de mandat. « Les problèmes de la mairie de Libreville se règlent peu à peu […] Comment ne pas soutenir celui qui fait que notre maison commune retrouve ses lettres de noblesse ?« , peut-on entendre dans l’un des clips qui circulent sur les réseaux sociaux.

Mais face à la vague de mécontentement grandissante suscitée par la gestion du maire actuelle, cette campagne de communication paraît être une digue bien fragile et susceptible de céder à tout moment.