Présidentielle 2023 au Gabon : Le soutien de Guy Nzouba-Ndama en faveur de Paulette Missambo et contre Alexandre Barro Chambrier vient sonner le glas d’une candidature commune au sein de l’opposition

C'est Paulette Missambo que Guy Nzouba-Ndama a choisi de soutenir lors de cette présidentielle de 2023, mais pas pour les raisons que l'on croit © Facebook

Guy Nzouba-Ndama a choisi de soutenir la présidente de l’Union nationale (UN), Paulette Missambo, à l’occasion de l’élection présidentielle du 26 août prochain. Il l’a fait savoir ce mardi 8 août. Un choix qui n’est pas dénué d’arrière-pensées de la part du président des Démocrates et qui fait voler en éclat les dernières possibilités d’une candidature « consensuelle » au sein de la plateforme d’opposition Alternance 2023.

Il y croyait pourtant dur comme fer. Longtemps, Alexandre Barro Chambrier pensait pouvoir tenir un accord qui ferait de lui « le » candidat non pas unique, ni même commun de l’opposition, mais « consensuel » au sein d’Alternance 2023 (lire notre article). Dans le contexte actuel, marqué par l’émiettement de l’opposition, ce n’était déjà pas si mal.

Mais patatra. Ce mardi 8 août, Les Démocrates, première force de l’opposition à l’Assemblée nationale en termes d’élus, ont annoncé qu’ils soutiendraient Paulette Missambo lors de la présidentielle du 26 août prochain.

Cette décision, prise par Guy Nzouba-Ndama, est le fruit d’un savant calcul de la part du chef des Démocrates, un homme politique aussi expérimenté que madré.

D’abord, elle n’est pas dénuée d’arrières pensées ethniques. Guy Nzouba-Ndama comme Paulette Missambo sont tous deux d’ethnie Nzebi. « C’est un paramètre qui a incontestablement pesé dans le choix. Entre gens d’une même ethnie, la solidarité est naturelle », reconnait un lieutenant de M. Nzouba-Ndama.

Ensuite, le président des Démocrates n’a toujours pas digéré l’attitude d’Alexandre Barro Chambrier après son arrestation le 17 septembre dernier à la frontière entre le Gabon et le Congo-Brazzaville où il s’est fait prendre avec 1,18 milliards de francs CFA en cash dans ses valises. Une infraction qui l’a mis hors-jeu pour cette présidentielle. Le président du RPM s’était alors montré mutique, y voyant sans doute une aubaine de voir écarter de la course à la Présidence un de ses principaux rivaux. « La vengeance est un plat qui se mange froid. Onze mois plus tard, Guy tient sa vengeance », triomphe aujourd’hui un de ses lieutenants.

Dans le choix de M. Nzouba-Ndama en faveur de Paulette Missambo, il y a un troisième paramètre. Celui qui, selon diverses sources, a pesé le plus lourd dans la balance. Guy Nzouba-Ndama s’est lui-même mis hors-jeu pour cette présidentielle en se laissant prendre « comme un débutant » à son retour d’Oyo, au Congo, le fief du président Denis Sassou Nguesso. Pour autant, il n’a pas renoncé à ses ambitions pour la suite. Et s’il ne veut pas que celles-ci soient contrariées, mieux vaut choisir le maillon faible. En politicien rusé, l’ancien président de l’Assemblée nationale sait que Paulette Missambo n’est pas ce que l’on peut appeler une « femme d’avenir ». Déjà âgée, effacée, ses chances de faire un résultat lors de cette présidentielle sont plutôt minces. En tout cas, beaucoup moins grandes que celles d’Alexandre Barro Chambrier, auteur d’une meilleure campagne. Or, il sera plus aisé pour M. Nzouba-Ndama de reprendre sa place au sein de l’opposition gabonaise après le scrutin si le candidat de l’opposition fait un score modeste…

Enfin, un dernier élément a lui aussi beaucoup compté. Contrairement à Paulette Missambo, Alexandre Barro Chambrier et Guy Nzouba-Ndama ont tous deux largement profité des prodigalités du président congolais Denis Sassou Nguesso, qui n’a pas failli cette fois-ci non plus à sa réputation de bailleur de fonds de l’opposition gabonaise. Or, si Barro Chambrier est désigné comme le candidat d’Alternance 2023 pour cette présidentielle, il s’imposerait naturellement comme le leader de l’opposition pour les cinq prochaines années. C’en serait alors fini probablement du soutien de Sassou Nguesso à son endroit, lui qui est âgé de 77 ans. Jean Ping en sait quelque chose.

Le choix de Guy Nzouba-Ndama en faveur de Paulette Missambo n’est donc pas un choix d’adhésion en faveur de la candidature de l’opposition qui serait la mieux placée. C’est tout le contraire. Toutefois, pour le chef des Démocrates, c’est un pari à double tranchant. « On voit bien le calcul qui préside à un tel choix. C’est tout à fait rationnel mais ce n’est pas sans conséquence. Avec le bulletin unique, si un partisan Les Démocrates vote pour Paulette Missambo il votera automatiquement pour le candidat UN aux législatives, et non pour celui des Démocrates, ce qui risque de créer une fronde à la base alors que le parti est déjà fragilisé par la scission provoquée il y a quelques mois suite par le départ de Séraphin Akure-Davain », explique un professeur en science politique de l’UOB.

En attendant, il est une certitude : l’annonce de Guy Nzouba-Ndama sonne le glas d’une candidature consensuelle au sein d’Alternance 2023. Après le départ de Maganga Moussavou qui a choisi de faire cavalier seul, on voit mal comment Alexandre Barro Chambrier accepterait de se ranger derrière Paulette Missambo qu’il considère comme un « maillon faible ». Lui aussi.