Au Gabon, la Cour Constitutionnelle sanctionne le gouvernement et réaffirme son indépendance

Marie-Madeleine Mborantsuo, la présidente de la Cour Constitutionnelle, a pris la parole le 30 avril 2018 pour annoncer d'importantes décisions en lien avec la crise institutionnelle. Source : compte Twitter @OyabiZul

Inédit et vertigineux. Au Gabon, la Cour constitutionnelle a annoncé, ce lundi 30 avril, la dissolution de l’Assemblée nationale et contraint le gouvernement à démissionner, la date limite pour organiser les élections législatives n’ayant pas été respectée. Ce faisant, la Cour constitutionnelle, qui a décidé de prendre ses responsabilités et de frapper fort, réaffirme son autorité et son indépendance vis-à-vis de l’Exécutif gabonais.

C’est un coup de tonnerre, un véritable séisme politique qui vient de se produire dans le pays. Il est vrai que les décisions prises par la Cour constitutionnelle ce lundi 30 avril sont particulièrement sévères : gouvernement démis de ses fonctions, Assemblée nationale dissoute, Sénat chargé d’assurer l’intérim de la première chambre.

Souvent décriée, la juridiction constitutionnelle fait cette fois-ci l’unanimité. « A la surprise générale, Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente de la Cour constitutionnelle, a sorti la chicotte », a indiqué Yves-Laurent Goma, le correspondant local de RFI.

Nuit difficile pour Emmanuel Issoze Ngondet

La Cour s’est particulièrement montrée sévère envers le Gouvernement, sanctionné pour avoir été incapable d’organiser les élections législatives, maintes fois reportées. Le gouvernement est contraint démissionner et le président de la République invité à en nommer un nouveau. « Il s’agira d’un gouvernement de transition dont la mission sera d’organiser les élections législatives. Il y a peu de chance que l’actuel premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet soit reconduit car il est le premier responsable de cette situation [qualifiée de shutdown institutionnel au Gabon]. Il a du passer une très mauvaise nuit », explique une source gouvernementale.

Outre la non organisation des élections, le premier ministre est également pointé du doigt pour ne pas avoir pris les décrets nécessaires à la reconduction de nombre d’institutions telles que le Conseil économique et social, le Conseil national de la démocratie, la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite ou encore la Haute autorité de la communication (lire à ce sujet notre précédent article).

Ce nouveau gouvernement, une fois passées les élections législatives, sera contraint lui aussi de démissionner. Durant cette période transitoire, ce gouvernement répondra uniquement devant le président de la République, l’Assemblée nationale étant suspendue.

Une décision qui fait l’unanimité au sein de la classe politique gabonaise

En attendant, la décision de la Cour Constitutionnelle, qui a stupéfait nombre d’observateurs, est quasi-unanimement saluée à Libreville tant par la majorité que par l’opposition. « Pour une fois, la Cour constitutionnelle est allée dans la bonne direction », estime David Mabdinga, le porte-parole de la coalition des 41 partis de l’opposition. « C’est ce qu’il fallait faire, mais de toute façon, elle ne pouvait pas faire autrement. » D’autres y voient également une volonté pour la Cour constitutionnelle de réaffirmer son indépendance, mise à mal lors de la crise post-électorale de 2016.

Certes, « des voix dissonantes se manqueront pas de se faire entendre dans les heures qui viennent. Mais elles relèveront pour l’essentiel de la posture politicienne. Il y en a toujours pour voir le mal partout », fait observer ce professeur en science politique de l’Université Omar Bongo, « car il y a un large consensus ici en faveur des décisions prises par le juge constitutionnel », ajoute-t-il.

A Libreville aujourd’hui, on ne devrait pas chômer en dépit de la fête du travail du 1er mai. « Il faut rapidement proposer une équipe gouvernementale solide et crédible qui nous conduira le plus tôt possible aux élections législatives », explique une source proche du pouvoir qui table sur le début du mois de septembre pour la tenue de ce scrutin.