Gabon : certains syndicalistes dénoncent une tentative de « prise en otage du dialogue social » par Jean-Rémy Yama

Jean-Rémy Yama, le patron de la confédération syndicale Dynamique Unitaire @ DR

Le leader de la centrale syndicale Dynamique Unitaire a posé ses conditions pour participer au dialogue social ouvert hier à Libreville. Parmi elles, un décret signé du président Ali Bongo Ondimba. Une demande jugée « grotesque », y compris par certains syndicalistes qui y voient une tentative mal venue de politiser les débats. 

Ridicule et déplacé. C’est ainsi que différents membres de l’Exécutif gabonais ont jugé la demande de DU formulée par la voix de son président Jean-Rémy Yama. Mais ils ne sont pas, loin de là, les seuls.

« Où est notre Président ? Parce que le cadre juridique devrait être un décret du Président de la République qui instaure le dialogue social en République gabonaise, ce n’est pas un arrêté du premier ministre. C’est avec le Président  de la République qu’on veut discuter », a déclaré le patron de Dynamique Unitaire au sortir hier de l’hôtel Nomad où il a assisté à l’ouverture du dialogue social par le premier ministre, Julien Nkoghe Bekalé.

DU qui affirme ne plus vouloir être « dupée, face aux promesses non tenues par le gouvernement » a posé quatre autres préalables à sa participation au dialogue social : la réhabilitation de la CONASYSED, la suspension de toutes les mesures d’austérité (baisse des salaires annoncées dans la fonction publique, gel des recrutements dans la fonction publique, reforme des conditions d’attribution de la bourse aux nouveaux bacheliers, etc.), la régularisation de la situation administratives de enseignants non-titularisés depuis plusieurs années, ainsi que le paiement de la prime d’incitation à la performance (PIP) du 2ème trimestre 2015.

Si hier, lors de la discussion, le premier ministre a poliment dit prendre acte de ces préalables, on voit difficilement comment le gouvernement pourrait faire droit à certains de ces préalables, en particulier les réformes mises en oeuvre au sein de la fonction publique ou encore en matière de dépense publique.

Surtout, un des préalables concentrent toutes les critiques, voire les railleries, des membres du gouvernement : l’exigence d’un décret présidentiel pour instaurer le dialogue social.

« En droit, il n’est nullement besoin d’un tel décret pour instituer un dialogue avec les partenaires sociaux. Un arrêté du premier ministre suffit amplement », confirme un professeur de droit social de l’Université Omar Bongo.

Mais Jean-Rémy Yama cherche moins en l’espèce à faire du droit que de la politique. Ce que confirme un politologue gabonais. « Le patron de Dynamique Unitaire cherche en réalité à s’appuyer sur le dialogue social pour tenter de relancer la polémique sur la vacance du pouvoir présidentiel, qui a du plomb dans l’aile depuis le retour en mars dernier d’Ali Bongo dans le pays », explique l’universitaire.

Une attitude qui n’est pas du goût des autres syndicats qui ont décidé de prendre part à ce dialogue sociale. « DU tente de prendre en otage le dialogue », peste un membre du Syndicat de l’Education nationale (Sena) qui veut sincèrement croire que ce dialogue peut être utile pour faire avancer les questions de fond et les revendications de la base. « Or », déplore-t-il, « en tentant de politiser le dialogue social, Jean-Rémy Yama fait preuve d’immaturité. Vu la situation du pays, il y a des choses sérieuses dont nous aimerions discuter. »

Ça n’est pas, loin s’en faut, la première fois que le patron de DU essuie de telles critiques. Jean-Rémy Yama, très proche de l’opposant Jean Ping (lire notre article sur la polémique relative au financement du déplacement à Paris du leader de DU en juillet dernier), est en effet souvent l’objet de critiques, y compris de la part de sa propre base, pour confondre activité syndicale et militantisme politique.