Gabon : Après un passage à vide, le leader syndical Jean Rémy Yama, homme-lige de Jean Ping, tente de se refaire une santé

Le leader syndical Jean Rémy Yama a fait sa rentrée sociale ce mercredi 8 janvier à Libreville © DR

Mercredi 8 janvier, la confédération syndicale Dynamique unitaire (DU) a fait sa rentrée en tenant sa première assemblée générale en 2020. L’occasion pour son président, après une année 2019 compliquée, de faire part d’une cinquantaine de revendications et de lancer au gouvernement un ultimatum jusqu’au 31 janvier en vue de leur satisfaction totale. Passé cette date, il promet de « balayer le système en place », comme il l’a déjà fait à de multiples reprises. Sans succès.

Au cours de cette rencontre, marquée par une moindre affluence par rapport aux années précédentes, le leader de Dynamique Unitaire a exigé du gouvernement la satisfaction totale, avant le 31 janvier prochain, de ses revendications, pas moins d’une cinquantaine au total.

Parmi celles-ci, des mesures catégorielles qui relèvent de l’action syndicale comme la mise en place d’un guichet unique au ministère de la Fonction publique pour la régularisation de toutes les situations administratives, la restitution de tous les bons de caisse « séquestrés » (selon DU) au ministère la fonction publique ou le retrait pur et simple du nouveau code du travail.

Mais surtout des mesures d’ordre politique, très éloignées de l’action syndicale, comme la fin immédiate des mesures d’austérité annoncées par le gouvernement, le paiement des arriérés de bourses d’études des élèves des lycées et collèges ou l’annulation de diverses taxes : sur les transactions électroniques (Airtel money et mobicash) et bancaires, la contribution pour les ordures ménagères de 7 % sur les factures d’eau et d’électricité, la contribution spéciale de solidarité de 1 % sur tous les achats et même sur les transactions financières. Etc.

Confusion entre activité syndicale et politique

Ce faisant, Jean Rémy Yama prête le flanc à une critique récurrente : la confusion entre action syndicale et politique. Le syndicaliste, très proche de l’opposition, est en effet considéré comme le cheval de Troie de Jean Ping dans le débat public gabonais. Ce dernier, dont la position est très affaiblie au sein de l’opposition, a besoin de M. Yama pour tenter de créer un climat délétère sur le plan social, faute d’y parvenir lui-même sur le terrain politique.

« Pas sûr toutefois que Jean Rémy Yama ait les épaules suffisamment larges pour le job », explique un spécialiste des relations sociales au Gabon. M. Yama est lui-même au cœur d’une série de polémiques. Régulièrement accusé d’instrumentaliser DU à des fins politiques, la confédération a perdu ces dernières années beaucoup de ses adhérents. Autrefois considérée comme puissante, faisant la pluie et le beau-temps, elle souffre aujourd’hui d’un déficit de représentativité au point de n’être plus que l’ombre d’elle-même. Conséquence : « DU, pour se faire entendre, est contrainte de durcir son discours et de se radicaliser, un peu comme la CGT en France », décrypte ce spécialiste en relations sociales.

« Ali Bongo est mort » (Jean-Rémy Yama, juillet 2019)

Pour Jean Rémy Yama, l’année 2020 sera-t-elle meilleure que la précédente, qui fut une annus horribilis ? Rien n’est moins sûr. Au cours des douze derniers mois, le leader syndical n’a pu empêché DU de perdre du terrain, cédant sur la réforme de la fonction publique, la réforme du droit du travail, etc. Quant aux multiples ultimatums qu’il a lancés, du type de celui fait ce mercredi, aucun n’a été suivi d’effet.

Pire, en 2019, M. Yama a été mis en examen à deux reprises, la première fois pour « abus de confiance aggravé et malversations financières » (lire notre article), la seconde fois pour « propagation de fausses nouvelles susceptibles de créer un trouble grave à l’ordre public » (« Ali Bongo est mort », avait-il déclaré) (lire notre article). Face à ce calendrier judiciaire chargé, Jean Rémy Yama avait fait le choix de quitter le Gabon pour se mettre au vert en France. Il y est manifestement revenu il y a quelques semaines en catimini, sans tambour ni trompette, jusqu’à sa première sortie publique hier. 2020 sera-elle meilleure que 2019 pour le leader syndical ? L’avenir le dira.