Fact checking : Le vrai coût des travaux de la villa du couple Bongo à Marrakech

Le Roi du Maroc Mohammed VI a donné à son « frère », le président gabonais Ali Bongo Ondimba, il y a une dizaine d'années près de Marrakech, un terrain afin qu'il y fasse construire une villa, devenue depuis l'objet de tous les fantasmes © DR

Dans un billet diffusé cette semaine sur le blog de Mediapart (à ne pas confondre avec la publication du même nom), Anne-Marie Dworaczek-Bendome soutient que l’équivalent de « 10 % du budget de l’Etat gabonais pour 2020, soit 304 milliards de francs CFA, serait consacré à la finition, l’embellissement à l’équipement » de la villa du couple présidentiel à Marrakech (Maroc), qu’elle qualifie de « palais » pour mieux en souligner le caractère prétendument « somptuaire ». Vérifications faites, ce chiffre, astronomique, s’avère purement fantaisiste. 

Quand on lui annonce que les travaux de finition de la villa du couple présidentiel gabonais  dans la palmeraie de Marrakech au Maroc ont été évalués à 304 milliards de FCFA dans un article publié le 24 août dernier par la blogueuse Anne-Marie Dworaczek-Bendome, notre interlocuteur au bout du fil peine à réprimer un éclat de rire.

« 304 milliards de francs CFA, c’est à dire 464 millions d’euros, vous imaginez ce que cela représente ?! Qui plus est, non pas pour la villa avec terrain compris, mais simplement pour les travaux de finition. C’est complètement ubuesque », manque-t-il de s’étrangler. Et d’insister en nous prenant à témoin : « vous en connaissez beaucoup, vous, des maisons à ce prix-là ? », nous lance-t-il comme pour mieux nous faire prendre conscience du caractère complètement « abracadabrantesque » (ce sont ses termes) du montant avancé. « A ce niveau-là, ça n’est plus de la spéculation, c’est de l’élucubration (…) Ecrire de telles inepties, c’est vraiment n’y rien connaître et ne pas craindre de se couvrir de ridicule », marmonne-t-il.

Rapidement, une fois la surprise digérée, notre interlocuteur se met à détailler, point par point, un dossier qu’il connaît sur le bout des doigts pour le suivre, sous toutes ses façades, depuis une dizaine d’années. « Le foncier a été donné gracieusement par Sa Majesté le Roi du Maroc, Mohammed VI, au président de la République Ali Bongo Ondimba. Or, dans ce genre de projet, c’est souvent le foncier qui coûte très cher. Jusqu’à 75 % du projet. En l’espèce, pour M. Ali Bongo, c’est une excellente affaire », explique l’homme, un spécialiste du secteur de l’immobilier et sans doute l’un des meilleurs connaisseurs du dossier dit du « Domaine Dar Ain Zerafa ».

Celui-ci, qui confirme que les travaux seront terminés « au plus tard en début d’année prochaine », explique en outre que, « si quelques terrains environnants ont bien été acquis pour élargir la superficie de l’ensemble, celle-ci est bien plus modeste que tout ce qu’on pu en lire dans les médias et, a fortiori, sur les réseaux sociaux ». Au passage, celui-ci leur adresse une petite pique : « à défaut d’avoir des informations, ils écrivent sur la base de spéculations », fait-il valoir.

Coût réel des travaux de finition : 1,2 milliards de FCFA, soit… 250 fois moins !

Si le chiffre de 304 milliards de FCFA est fantaisiste, quelle est donc la réalité ? « Sans vous divulguer le montant exact, car je suis tenu par le secret professionnel, je peux toutefois vous dire que, pour avoir une vision plus conforme à la réalité, il faut diviser ce chiffre par à peu près… 250 », lâche-t-il.

Une indication précieuse. Calcul fait, le coût des travaux s’élèverait à 1,2 milliard de FCFA (équivalent à 1,84 millions d’euros environ). Un chiffre qui, à 60 000 euros près, nous a été confirmés par deux autres interlocuteurs, eux aussi très proches du dossier, dont un cabinet d’architecte international.

Quant à l’auteur de l’article controversé, la blogueuse Anne-Marie Dworaczek-Bendome, il lui aurait été facile de vérifier la réalité. Encore eut-il fallu que son but soit d’informer et non, comme en l’espèce, de diffamer.