Le déplacement de Brice Laccruche Alihanga, le directeur de cabinet du président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, à Paris du 1er au 6 mars dernier, a suscité un intérêt tout particulier dans les médias. A cela, il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, Brice Laccruche est le principal collaborateur du président. Chacun de ses faits et gestes est donc scruté et décortiqué avec la précision d’un entomologiste. Ensuite, et ça n’est pas nouveau, les relations entre le Gabon et la France font toujours l’objet d’une attention spécifique. Enfin, ce déplacement s’inscrivait dans un contexte particulier pour les deux pays, sous fond d’affaires Veolia et Eramet. Entre vérité et approximations, La Libreville a enquêté pour tenter d’y voir plus clair.
Oui, Brice Laccruche s’est bien rendu à Paris pour y rencontrer les principaux conseillers du Président français Emmanuel Macron, ainsi que la PDG d’Eramet, Christel Bories.
Comme l’a indiqué Africa Mining Intelligence dans sa dernière livraison (n° 411, datée du 13 mars 2018), le directeur de cabinet du Président Ali Bongo s’est bien rendu à Paris, précisément du 1er au 6 mars selon diverses sources concordantes. Il y a bien rencontré à l’Elysée deux des principaux collaborateurs du président français Emmanuel Macron, à savoir Franck Paris et Alexis Zajdenweber, respectivement conseiller Afrique et Economie, mais aussi – ce qui n’est pas précisé dans Africa Mining Intelligence – Rémy Maréchaux, le directeur Afrique du Quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères.
En outre, comme l’indique à juste titre Africa Mining Intelligence, Brice Laccruche s’est également bien entretenu dans la foulée avec Christel Bories, la PDG d’Eramet. Il a également mis à profit sa venue à Paris pour rencontrer d’autres décideurs, ses déplacements étant relativement rares dans la capitale française.
Non, Brice Laccruche Alihanga n’est pas venu à Paris accompagné d’ « une forte délégation ».
Contrairement à ce qu’ont pu écrire certains de nos confrères, notamment Gabon Review dans son édition du 13 mars 2018, le directeur de cabinet du président du Gabon est venu en mission à Paris à la tête d’une délégation non pas « forte » mais très resserrée. Si Ike Ngouoni, le porte-parole de la présidence – qui, semble-t-il, est désormais également chargé de gérer institutionnellement les relations avec les pouvoirs publics et le secteur privé français pour le compte de l’Etat gabonais – était bien présent, en revanche, ni Patrichi Tanasa, conseiller à la présidence du Gabon, ni Frédéric Bongo (le patron des services), ni la dénommée Anna Rochas (présentée, à tort, dans l’article de Gabon Review comme « chargée de mission française auprès de la présidence du Gabon ») ne figurait dans la délégation gabonaise qui s’est rendue à Paris. Fait intéressant : quelques heures après la publication de cet article, Gabon Review a retiré les noms de Frédéric Bongo et d’Anna Rochas…
Par ailleurs, dans Africa Mining Intelligence, il est fait référence à Jean-Louis Borloo, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Celui-ci est présenté comme ayant « discrètement relayé [les demandes de la partie gabonaise] auprès de l’exécutif français ». Renseignements pris, ce relais a été pour le moins discret… Plusieurs sources proches du dossier nous ont confirmé que les discussions entre les parties françaises et gabonaises se déroulent en direct et au plus haut niveau. « Le Gabon », nous précise l’une de ces sources, « a compris qu’il fallait supprimer les intermédiaires officieux pour privilégier une relation officielle, plus directe, institutionnelle et transparente. C’est comme cela qu’il faut procéder en 2018 avec Paris comme avec les autres capitales », nous confie-t-elle.
Non, le Gabon ne se positionne pas « sur le rachat des 11,2 % du capital d’Eramet ».
Dans son article, Africa Mining Intelligence soutient que l’intention du Gabon serait d’acquérir 11,2 % du capital d’Eramet. Après vérifications multiples, il s’agit d’une information erronée. Les exigences du Gabon ne sont pas celles-ci, nous indique-t-on en off tant à Paris, qu’à Libreville.
Non, les « exigences » prêtées au Gabon ne « se heurtent pas à un mur côté français ».
Ici aussi, cette affirmation s’avère inexacte. Sur le dossier Eramet, l’argument de la Nouvelle-Calédonie que l’Etat français ne devrait pas froisser à l’approche du référendum d’auto-détermination prévu fin 2018, avancé dans Africa Mining Intelligence, ne tient pas, ne serait-ce que parce que la demande du Gabon, comme indiqué plus haut, « n’est pas de monter au capital d’Eramet ».
En outre et d’une manière plus générale, cette opposition frontale ne correspond pas à l’esprit qui prévaut actuellement de part et d’autre. Les relations entre Paris et Libreville sont dans une phase de reconstruction. « De nouvelles équipes sont arrivées pratiquement en même temps à Paris et à Libreville. Elles sont mues par une volonté de dialogue et elles parlent le même langage, ce qui laisse augurer de bonnes choses pour la suite », nous indique un bon connaisseur de la relation franco-gabonaise.