Tentative d’« arrestation » de l’avocat Anges Kevin Nzigou au Gabon : aurait-il menti ?

L'avocat Anges Kevin Nzigou est connu pour ses coups d'éclat médiatiques © DR

Sur sa page Facebook, l’avocat, réputé pour sa propension à rechercher les lumières médiatiques, dit avoir reçu dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 novembre la visite d’un « commando » venu pour l’arrêter. Problème : aucun témoin n’a assisté à la scène. Cette allégation ne repose donc que sur les dires de l’intéressé. De sources proches de l’enquête, on dément formellement.

Après avoir applaudi à deux mains les révocations de dirigeants publics lors du conseil des ministres du 7 novembre, l’opposition, dans un virage à 180 degré, s’est emparé de l’opération anti-corruption lancée dans la foulée pour continuer de dépeindre, de manière pavlovienne, le Gabon comme un régime autoritaire où règne l’arbitraire.

Dernière illustration de ce qui relève désormais d’une bataille de communication, la tentative présumée d’arrestation de l’avocat Anges Kevin Nzigou par un « commando » d’inconnus dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 novembre.

« Les gars de la PJ sont habituellement en pick-up blanc, mais ceux-là avaient d’autres véhicules, dont une Hyundai Santa Fe. Je soupçonne le B2 », raconte ce matin l’avocat sur sa page Facebook, précisant que le présumé commando était composée de « 7 personnes au moins ».

Les faits ne reposent que sur un seul témoignage : celui de l’avocat lui-même

« Ils savaient dans quelle zone je me trouvais au moment où ils sont venus, mais ils ne savaient pas exactement où j’étais, vu que d’où je m’étais caché après avoir été alerté par un ami je pouvais les entendre communiquer avec leurs collègues pour avoir plus de précision. N’ayant pas pu me mettre la main dessus, ils sont repartis. Mais s’ils m’avaient trouvé, je pense qu’ils m’auraient enlevé », croit savoir l’avocat.

Problèmes : d’une part, les faits relatés par l’avocat relève plus d’allégations que de véritables informations (qui étaient ces hommes, nul ne le sait ?) ; d’autre part et surtout, cet épisode, décrit avec grands fracas et force détails sur Facebook, ne repose que sur un seul témoignage : celui de l’intéressé lui-même. Personne d’autre n’est en mesure d’en attester la véracité. En d’autres termes, y a-t-il eu vraiment tentative d’arrestation à laquelle, qui plus est, l’intéressé a réchappé dans des conditions épiques ? Nul ne peut le certifier…

Le démenti formel de sources proches de l’enquête

De sources proches de l’enquête, on dément formellement toute tentative d’interpellation sur la personne d’Anges Kevin Nzigou tout en se disant nullement surpris. Au Gabon, celui-ci est réputé pour ses coups d’éclat médiatiques. Cet avocat, membre du collectif Appel à agir, s’est illustré ces derniers mois par ses déclarations tonitruantes visant à exiger une expertise médicale visant à déterminer les capacités physiques et cognitives d’Ali Bongo. Une affaire qu’il a davantage plaidé dans les médias que dans les prétoires, sachant cette demande non-fondée en droit.

Mais une fois encore, la ficelle, fut-elle grosse, a semble-t-il encore fonctionné. Il n’en fallait pas plus pour que les sites d’information proches de l’opposition fasse mécaniquement écho à cette histoire (sans prendre la précaution minimale de convoquer un contre-point de vue, ni même d’user par prudence du conditionnel), en attendant, dans un schéma bien rôdé, les médias internationaux, qui sont en réalité la véritable cible de ce qui s’apparente davantage à une opération de communication de la part de celui qui est aussi l’avocat de certaines des personnes gardées à vue dans le cadre de l’opération anti-corruption en cours, baptisée Scorpion ou Mamba 2.

But de la manœuvre : attirer l’attention des médias

In fine, le procédé, éculé, sert à diffuser dans les médias l’idée selon laquelle le Gabon est gouverné par un régime autoritaire qui ne respecte pas l’Etat de droit. Anges Kevin Nzigou ne s’en est d’ailleurs pas caché. La suite, on ne la connait que trop bien, avec les détentions arbitraires qui ont cours dans notre pays, surtout depuis quelque temps », écrit-il sur sa page Facebook.

Depuis son lancement le 10 novembre dernier, l’opération anti-corruption visant d’ex-responsables publics suscite quantité de rumeurs. C’est ainsi que ce weekend, l’on a annoncé ici l’arrestation de l’ex-procureur de la République Olivier Nzaou, là l’interpellation du député du 5ème arrondissement de Libreville et ancien ministre Arsène Nkoghe. Faux dans les deux cas.

Hier soir, c’était au tour d’Africa 24 d’être pris la main dans le sac à fausses nouvelles. Dans le cadre de son JT consacré à l’Afrique centrale, la chaîne d’information panafricaine en continue a évoqué, photo à l’appui, ni plus ni moins que « l’interpellation de l’ex-directeur de cabinet de la présidence de la République, Brice Laccruche Alihanga » qui aurait été « placé en garde à vue pour des soupçons de corruption et d’enrichissement illicite ». Totalement faux également, l’ex-directeur de cabinet d’Ali Bongo ayant passé l’essentiel de sa journée et de sa soirée dans son domicile de Libreville.

Il se pourrait fort bien que ce qui est présenté comme une tentative d’interpellation hier nuit de l’avocat Anges Kevin Nzigou soit du même acabit.