Suspension pour un an de la diffusion de France 2 au Gabon : une décision populaire dans les rues de Libreville

La chaîne publique française avait rediffusé un documentaire à charge contre le président Ali Bongo Ondimba la veille du 17 août, jour de fête nationale dans le pays.

Si cette décision ne manquera pas de faire jazzer le microcosme des médias français, au Gabon, elle devrait recueillir l’assentiment d’une large partie de la population, lassé par un « Gabon bashing » permanent et par une couverture médiatique souvent biaisée de la situation dans ce petit pays d’Afrique centrale.

« S’interrogeant sur l’opportunité » pour France 2 « de rediffuser la veille du 17 août [fête nationale de l’indépendance] un documentaire subversif sur le Gabon », la Haute autorité gabonaise de la communication (HAC) a décidé de suspendre pour un an la diffusion de la chaîne publique française, selon un communiqué lu mercredi à la télévision nationale.

A Libreville, beaucoup évoquent un acharnement. Déjà, lors de sa première diffusion en juillet 2017, ce documentaire intitulé « Le clan Bongo, une histoire française », avait été très diversement apprécié au Gabon. Celui-ci avait été critiqué pour être unilatéralement à charge (une tradition dans beaucoup de médias français) et pour proposer une vision de la situation du pays jugée très orientée.

« C’est un reportage des plus classiques, dans la tradition d’une certaine presse française, qui ne conçoit pas de traiter le Gabon autrement qu’en le critiquant, explique un journaliste français, qui a longtemps officié au sein de la rédaction d’un grand quotidien. « De fait, c’est un reportage sensationnaliste, fait pour plaire au public français mais qui a peu, sinon aucun impact auprès du public gabonais qui pose un regard très différent sur la réalité, poursuit celui-ci, en ajoutant qu’ « au Gabon, les gens sont plus préoccupés par les problématiques du quotidien et par les solutions à apporter pour y remédier que par les querelles de palais qui n’obnubilent, au fond, que les médias internationaux. »

Parmi les nombreux griefs faits à ce reportage, figure en bonne place le temps de parole très élevé octroyé à l’ancien PDG de la compagnie pétrolière française Elf Aquitaine, Loïk Le Floch-Prigent, condamné en 2003 par la justice française à trente mois de prison ferme et à une forte amende pour corruption. Beaucoup estiment que les propos de cet ex-patron de la compagnie pétrolière seraient pour le moins sujets à caution.

De fait, aujourd’hui, dans les rues de Libreville, parmi les dizaines de personnes interrogées – toutes tendances confondues – au sujet de cette suspension et qui disent avoir vu des extraits du documentaire incriminé, une très forte majorité approuve la décision de la HAC au motif que ce documentaire est à la fois éloigné de leur perception de la réalité et de leurs préoccupations quotidiennes.