Prétendue dégradation de l’état de santé de Brice Laccruche Alihanga : « un mensonge répété ne fait pas une vérité » (source judiciaire)

L'ex-directeur de cabinet de la Présidence, Brice Laccruche Alihanga sera bien jugé au Gabon avant la fin de l'année 2022 pour corruption et détournement de fonds publics © DR

Une (énième) tribune parue (à nouveau) dans Le Journal du dimanche, un hebdomadaire français, affirme (derechef) que l’état de santé de l’ex-directeur de cabinet de la Présidence gabonaise, placé en détention provisoire pour corruption et détournement de fonds à grande échelle, se serait dégradé. Une manière de faire pression, directement ou indirectement, sur les autorités gabonaises pour tenter d’obtenir une évacuation sanitaire et permettre à l’intéressé d’échapper à nouveau procès pour lequel il risque jusqu’à 30 ans de prison. Une stratégie plus qu’hasardeuse. Explications.

« La définition de la folie », disait Einstein, « c’est penser qu’en faisant la même chose, on obtient un résultat différent. »

Ce dimanche, dans le JDD, une énième tribune a été publiée par l’un des avocats de BLA. Avec toujours la même thèse répétée. A croire Me Richard Sedillot, il est « infiniment probable » – donc, de son aveu même, tout sauf certain -, que son client « souffre d’une tumeur colorectale ».

A Libreville, cette tribune, comme les autres publiées auparavant, n’a manifestement pas l’effet escompté. « Nous sommes habitués », indique placidement un proche du dossier. « Quand on y réfléchit, il y a quelque chose de ridicule. Comment un avocat, qui plus est à plusieurs milliers de kilomètres de là, peut-il poser un diagnostic ? C’est assez lunaire »,  ajoute celui-ci, martelant qu’ » un mensonge répété ne fait pas une vérité ».

En réalité, si les avocats de BLA s’échinent à publier des tribunes, c’est parce que – contrairement à ce que soutient Me Sedillot, les preuves matérielles contre l’ex-dir cab de la Présidence, tout comme les témoignages à charge, se sont multipliés ces derniers mois, rendant impossible à plaider un dossier déjà compliqué.

Empire immobilier et recettes pétrolières

Dans un article très détaillé paru le 18 mai dernier (lire l’article), l’hebdomadaire Jeune Afrique détaille comment BLA est parvenu, au moyen d’un montage complexe de sociétés offshores, à se bâtir un empire immobilier en l’espace de deux ans à peine…

Ces révélations viennent s’ajouter à d’autres, faites en 2020 dans le grand quotidien L’Union, qui indiquaient comment des centaines de milliards de francs CFA de recettes pétrolières ont été détournées des caisses du Trésor public.

Stratégie de la dernière chance

« Quand les avocats se mettent à faire des tribunes plutôt que de défendre sur le plan judiciaire leur client, c’est que c’est mauvais signe pour celui-ci. On sent qu’ils tentent le tout pour le tout », commente un ex-haut magistrat gabonais qui a plus de 35 ans de carrière à son actif.

De fait, la stratégie des avocats de BLA consistant à prendre à témoin l’opinion publique en affirmant que leur client est dans un état de santé tel qu’il nécessiterait une évacuation sanitaire ressemble étrangement à celle utilisée par un autre prévenu « célèbre » au Gabon, le syndicaliste Jean Rémy Yama (lire notre article).

Mais dans un cas comme dans l’autre, cette stratégie de la dernière chance se heurte à la fermeté de Libreville. « D’une part, M. Laccruche Alihanga a été condamné par la Justice gabonaise en octobre 2021 à 5 ans de prison dans une autre affaire (acquisition frauduleuse de la nationalité gabonaise, NDLR). Ce qui interdit toute extradition pour quelque motif que ce soit », prévient un haut-responsable gabonais.

Le temps des colonies et de la Françafrique est révolu

« D’autre part », ajoute-il, « penser qu’en faisant une tribune, on puisse faire pression directement ou indirectement sur la justice gabonaise est un leurre. Cela fonctionnait du temps des colonies et de la Françafrique. Mais cette époque là est bien révolue. ». Un ancien ministre va plus loin. « Il y a en France des gens qui ont du mal à supporter que la justice gabonaise puisse faire normalement son travail », cingle-t-il.

Moins remontée, cette source judiciaire se contente de faire observer que « si M. Laccruche Alihanga n’a rien à se reprocher, si son dossier est vide comme l’affirment ses défenseurs, alors il n’a rien à craindre de la Justice gabonaise ».

L’agitation diplomatico-médiatique de ses avocats, qui témoigne d’une fébrilité manifeste à l’approche du procès de leur client prévu d’ici la fin de l’année, atteste à l’évidence du contraire.