Présidentielle au Gabon : Sans attendre la fin du scrutin et sans la moindre preuve, Albert Ondo Ossa revendique sa victoire et menace d’embraser le pays s’il n’est pas déclaré élu

Albert Ondo Ossa interviewé à la sortie de son bureau de vote ce samedi 26 août 2023 © DR

Au Gabon, le candidat de l’opposition radicale, qui dans une conversation quelques jours plus tôt enregistrée par le correspondant local de l’AFP et de France 24, avait menacé de créer des troubles et des violences à l’issue des élections, semble vouloir mettre son plan à exécution. 

Après avoir voté ce samedi 26 aout au centre du lycée Bâ Oumar dans le 1er arrondissement de Libreville, le candidat d’Alternance 2023 (opposition radicale), Albert Ondo Ossa, a déclaré qu’il pourrait y avoir des violences post-électorales dans le pays s’il n’était pas déclaré vainqueur au terme de ces élections. Une sorte de chantage à la violence.

« Il est temps après 60 ans de pouvoir, qu’Ali Bongo parte. J’attends qu’il donne des instructions pour que ceux qui magouillent dans l’ombre, déclarent à la fin de la journée de demain, qu’Albert Ondo Ossa est président. Aucune menace ne portera sur la famille Bongo, je m’en porte garant. En revanche, si on me provoque, on rencontrera ce qu’on aura cherché. Albert Ondo Ossa doit être déclaré vainqueur. En dehors de ça, on verra ce qu’on va voir. La balle est dans le camp d’Ali Bongo qui doit me féliciter et déclarer qu’il a perdu », a-t-il menacé.

Choquant mais pas surprenant

Quelles preuves a-t-il de sa victoire ? Aucune. Il n’empêche, selon lui, ces élections seraient entachées de fraudes. « Je suis parfaitement informé des fraudes d’Ali Bongo et de ses partisans. J’ai même des résultats qu’ils s’apprêtent à déclarer où je ne suis gagnant que dans deux provinces : le Woleu-Ntem et la Ngounié. J’attends. Je dis, Ali Bongo a encore le temps de négocier. Je prends une journée et demie pour que nous négociions. La seule négociation qui s’impose c’est son départ. C’est le moment pour Ali Bongo de partir. J’en appelle à la communauté internationale. Aucune négociation ne sera possible. Je ne serai pas le Premier ministre d’Ali Bongo », a-t-il ajouté.

« De telles déclarations, si elles peuvent choquer, n’ont rien de surprenantes. Revendiquer sa victoire part anticipation permet d’échauffer les esprits de ses partisans et les préparer à descendre dans la rue. De même que crier à la fraude par anticipation, sans même attendre la fin du vote et a fortiori les résultats. Tout ça, ce ne sont que de veilles ficelles utilisées par les politiciens », explique un professeur de l’UOB.

Ces déclarations ne tombent pas du ciel. Elles viennent après la polémique née au Gabon, il y a quelques jours, à la suite de la divulgation d’une conversation privée enregistrée à son insu par le correspondant local de l’AFP et de France 24, Joël Tatu (placé depuis sous protection policière), avec son allié Alexandre Barro Chambrier. Dans cette conversation, il « est tenu, à plusieurs reprises, des propos particulièrement graves qui laissent présager une atteinte à la sureté de l’État », a indiqué le Procureur de la République qui a ouvert une enquête pour atteinte à la sécurité de l’Etat.

Stratégie de la violence et du KO

Face à l’ampleur de la polémique, Albert Ondo Ossa et Alexandre Barro Chambrier ont aussitôt crié à la manipulation parlant d’un audio « fabriqué avec l’intelligence artificielle » (sic ). Mais les déclarations faites ce samedi par le candidat Albert Ondo Ossa, bien avant la fin des votes, viennent confirmer, si besoin en était, l’authenticité de l’audio en question, expliquent plusieurs observateurs. « Il s’agit ni plus ni moins que la réitération des propos tenus dans cet enregistrement », affirme l’un d’entre eux. « La stratégie de l’opposition n’est pas de gagner le pouvoir par les urnes mais par la rue », explique un autre. « L’idée est de revendiquer prématurément la victoire pour chauffer les esprits, dénoncer la fraude, avant d’appeler les jeunes à sortir dans la rue, sans considération pour les risques physiques qu’ils prendraient, et lancer un appel à une intervention extérieure. » 

Face à cette stratégie qui semble ce soir prendre de plus en plus tournure de la violence et du chaos, les autorités semblent avoir pris leurs dipositions. Le président Ali Bongo Ondimba, dans son discours de fin de campagne, hier vendredi 25 aout, a clairement affirmé qu’il ne laissera pas faire ceux qui veulent « déstabiliser, détruire ce pays ». Il a promis « de chasser loin de nos maisons, loin de notre pays ceux qui portent la haine ». Car, pour lui, la paix et la cohésion sociale n’ont pas de prix.

Les Gabonais également, dans leur grande majorité, veulent la paix et ne souhaitent pas revivre, c’est certain, la crise post-électorale de 2016.