Obnubilés par leur quête du pouvoir, les opposants d’Appel à agir ne disent mot sur la principale préoccupation des Gabonais : la lutte contre le Covid-19

Les membres du collectif d'opposition Appel à agir sont connus pour leurs coups d'éclat médiatiques © DR

Le collectif réunissant de façon hétéroclite une dizaine de membres de l’opposition radicale, mutique depuis le début de la crise du Covid-19, a repris la parole hier, lundi 18 mai. Voulant voir dans l’adoption de la loi fixant les modalités sur les catastrophes sanitaires une « preuve » de l’incapacité du président de la République Ali Bongo Ondimba qui se serait laissé dépouiller de ses pouvoirs constitutionnels par le gouvernement et le Parlement, ces opposants annoncent saisir la Cour constitutionnelle. Une initiative en réalité exclusivement médiatique. Explications. 

C’est un énième communiqué et… un énième effet d’annonce qui, à l’instar des précédents, restera probablement lettres mortes. Mais les membres d’Appel à agir le savent. Leur objectif n’est d’ailleurs pas d’obtenir gain de cause, de faire réellement avancer les choses, mais de faire du bruit dans les médias.

Hier lundi 18 mai, le collectif d’opposants a repris la parole. Par écrit. Non pas pour parler de la préoccupation de l’heure des Gabonais, la lutte contre le Covid-19, mais pour évoquer leur marrote : la supposée vacance du pouvoir présidentiel. Le débat a beau avoir du plomb dans l’aile, Ali Bongo ayant été l’un des chefs d’Etat africain les plus en vue à l’occasion de la crise sanitaire, il n’empêche, Appel à agir n’en démord pas et est prêt à faire feu de tout bois, quitte à prendre quelques distances avec la réalité.

« Nous demandons à la Cour constitutionnelle de confirmer que, conformément à son avis du 6 avril 2020, qui indiquait la voie de la déclaration de l’état d’urgence conformément à l’article 25 de la Constitution, seule la Constitution peut créer un régime d’exception en République gabonaise », tonne le collectif d’opposants dans un communiqué de presse.

A l’en croire, la loi, votée par l’Assemblée nationale et le Sénat le 9 mai dernier, sur les catastrophes sanitaires contiendrait des « mesures liberticides » et « n’assure(rait) pas de conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ».

Et le collectif d’opposants radicaux d’y voir une énième preuve de l’incapacité supposée du président Ali Bongo Ondimba. « La loi déférée à la Cour opère un extraordinaire transfert de compétences du président de la République au gouvernement. Or, il se trouve que ces compétences sont constitutionnellement encadrées », indiquent les opposants, ajoutant que « tout se passe comme si, conscients de l’incapacité de monsieur Ali Bongo à assumer les charges de sa fonction, le Parlement et le gouvernement s’étaient mis d’accord pour transférer ses pouvoirs à ce dernier », le communiqué allant même jusqu’à évoquer, sans craindre ni l’emphase ni l’excès, une « tentative d’un coup d’État institutionnel contre le président de la République. »

Absence d’intérêt à agir

Pour ce professeur en droit constitutionnel, l’initiative est d’emblée vouée à l’échec pour des raisons aussi bien de fond que de forme. « En droit comparé, il est classique que certains dispositifs qui ressortent de l’état d’urgence, prévu par la Constitution, soit intégré en cas de nécessité dans la légalité. C’est le cas notamment en France (…) En l’occurrence, c’est le cas puisque la motivation de l’Exécutif est justement d’être plus réactif et donc plus efficace en cas d’éruption d’une crise sanitaire qui impose d’agir vite », fait observer l’éminent juriste.

Mais si, pour ce professeur de droit public, l’initiative du collectif d’opposants, à l’instar de ses autres barouds juridico-médiatiques, est mort-née, c’est aussi et avant tout pour une question de forme. « Avant toute chose, quand on introduit une action en justice, il faut se poser la question de la qualité pour agir. Est-ce qu’un regroupement de personnes physiques de ce type est fondé juridiquement à saisir la Cour constitutionnelle ? La réponse est clairement non », explique le professeur. Fermez le ban.

Enième coup de pub

Mais les membres du collectif Appel à agir le savent pertinemment. D’ailleurs, leur objectif n’est pas d’engager une démarche juridique, dans le respect du droit, qui puisse aboutir mais, comme le dit un responsable du PDG, le parti majoritaire, de « faire du tambour dans les médias ». Certains de leurs membres sont d’ailleurs régulièrement brocardés pour leur penchant narcissique à prendre la lumière, à commencer par l’avocat de toutes les causes médiatiques Anges Kevin Nzigou ou encore l’activiste Marc Ona Essangui, dont le compte Twitter sert régulièrement à relayer de nombreuses fake news, font observer ses détracteurs.

« Ils sont dans l’incantation, nous sommes dans l’action »

Reste peut-être l’essentiel. En ces circonstances, les Gabonais n’ont que faire des querelles politiciennes et des luttes pour le pouvoir. Ils attendent de la part de leurs dirigeants des actes pour traiter une crise multiforme, à la fois sanitaire, économique et sociale, et à bien des égards totalement inédite. Le collectif Appel à agir aurait-il voulu se rendre plus inaudible en prenant à ce moment-là sur ce sujet-là la parole qu’il n’aurait pu mieux faire. Raison pour laquelle du côté de la majorité, on se montre particulièrement serein. « Ils sont dans l’incantation, nous sommes dans l’action. Les Gabonais trancheront », cingle un collaborateur du président Ali Bongo Ondimba.