« Mouvement des casseroles » : Les Gabonais révoltés par les tentatives de récupération politique

Le mouvement des casseroles, un phénomène mondial qui a fini par toucher le Gabon © DR

Au Gabon, comme dans beaucoup d’autres pays dans le monde, depuis une semaine, une partie de la population tape à 20h00 sur des casseroles. Leur objectif : exprimer leur mécontentement à l’égard des mesures mises en place par le gouvernement pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Des mesures protectrices mais qui handicapent le quotidien des populations. Un mouvement d’humeur qu’opposants et activistes en tous genres n’ont pas tardé à tenter de récupérer. Au grand dam de la population. 

« C’est révoltant. Notre mouvement vise à obtenir l’allégement des mesures mises en place par le gouvernement pour freiner la Covid-19. Ces mesures sont contraignantes et viennent alourdir notre quotidien. Mais, là où nous ne sommes pas d’accord, c’est de voir ces politiciens venir se greffer à notre mouvement dont l’objectif est clair et précis pour essayer d’en tirer profit. C’est de l’instrumentalisation », vitupère Martial, un boulanger de 46 ans qui vit au PK6, l’un des quartiers populaires de Libreville.

Depuis quelques jours, la « révolution des casseroles », un mouvement parti d’Amérique latine et qui se répand partout dans le monde, pour protester contre les mesures de restriction mises en place pour ralentir l’épidémie de Covid-19 (confinement, couvre-feu, etc.), a fini, par mimétisme sous l’effet des réseaux sociaux et effet de mode, par atteindre le Gabon.

Chaque soir, à 20 heures précises, de nombreux Gabonais tapent dans des casseroles pour faire le maximum de bruit. Une manière, bon enfant, d’exprimer son mécontentement et réclamer un allégement des mesures restrictives.

Un mouvement apolitique en proie à une « opposition vautour »

Mais certains politiciens pensent avoir trouvé là la bonne opportunité. Les opposants en particulier, moribonds et encore sonnés par leur échec aux élections sénatoriales, y ont vu une opportunité de rebond. « Pour eux, c’est une occasion de faire entendre leur voix alors qu’ils sont inaudibles en temps normal. Ils ne prospèrent que lorsque le pays est dans une mauvaise passe », explique un professeur en science politique de l’UOB, la plus grande université du pays, qui parle d’une « opposition vautour ».

C’est ainsi qu’hier soir, Alexandre Barro Chambrier, le président du RPM, un parti d’opposition qui est en passe de perdre ses cinq députés restants (lire notre article), s’est affiché dans le quatrième arrondissement de Libreville, casseroles à la main. Naturellement, ses partisans ont tôt fait de le filmer et de diffuser les images sur les réseaux sociaux. Une opération de communication savamment orchestrée.

Barro Chambrier hué

Mais ils se sont bien gardés, en revanche, de filmer la réaction de la population, qui n’a pas tardé à le huer, y voyant une tentative de récupération politicienne. « C’est regrettable », peste Marine, une mère de famille, habitante du 4ème arrondissement de la capitale. « C’est du pur cynisme. Nous sommes là dans un but bien précis. Ce mouvement est apolitique. Les hommes politiques, justement, ne sont pas les bienvenus », s’insurge-t-elle.

Mais il n’y a pas que sur le terrain que la tentative de récupération politicienne s’opère. C’est le cas également sur les réseaux sociaux. Ces derniers jours, les activistes tentent de faire de même sur les réseaux sociaux, voyant dans ce mouvement apolitique une « révolution » visant à contester le pouvoir en place.

C’est le cas par exemple de Marc Ona Essangui ou encore de Laurence Ndong, dont le militantisme se borne, le plus souvent, à faire du Gabon bashing sur les médias sociaux, ou encore de l’ancien premier ministre, devenu opposant une fois remercié de son poste, Raymond Ndong Sima. Mal leur en a pris. Que ce soit sur Facebook ou Twitter, les réactions outrées des Gabonais qui dénoncent une campagne d’instrumentalisation se sont multipliées.

Rassuré, Martial va laisser ses casseroles à la cuisine

Le signe sans doute, pour ces révolutionnaires de clavier, que le grand soir au Gabon n’est ni pour aujourd’hui, ni pour demain. D’autant qu’hier soir, le premier ministre a annoncé que les mesures restrictives pourraient être allégées sous peu, dans le courant du mois de mars. Plus que quelques jours à attendre donc, pour le plus grand soulagement de la majorité des Gabonais.

« Hier soir, on nous a enfin montré où était le bout du tunnel. C’est ce que nous attendions. Nous avons enfin une perspective. Nous sommes satisfaits », dit Martial, notre boulanger du PK6 qui a promis de ranger sa casserole à la cuisine. « C’est seulement ma femme désormais qui va l’utiliser », s’exclame-t-il dans un grand éclat de rire.