« Monarchisation » du Gabon : Quel but poursuit réellement le collectif d’opposants Appel à agir à travers sa tentative de nouveau coup d’éclat médiatique ?

Les membres du collectif Appel à agir misent essentiellement sur les médias internationaux pour se faire entendre. Dans un but d'auto-promotion, disent ses détracteurs @ DR

Le collectif d’opposants, habitué aux coups d’éclats médiatiques, n’a pas manqué de tirer partie de la nomination de Noureddin Bongo Valentin au poste de coordinateur général des affaires présidentielles pour refaire parler de lui. Quel objectif poursuit-il réellement à travers cette démarche ? Décryptage. 

« Constatant l’incapacité de Monsieur Ali Bongo (…), le régime a fait le choix par la voie la plus détestable et la plus abjecte qui soit : le droit du sang, consacrant ainsi la dévolution monarchique », cinglent dans un énième communiqué diffusé ce weekend les dix opposants réunis au sein du collectif Appel à agir.

Depuis sa création, il y a un an celui-ci s’est illustré, moins par son influence politique – très faible, pour ne pas dire inexistante, sur le terrain – que par sa propension à faire du bruit dans les médias et sur les réseaux sociaux.

D’où une stratégie visant à n’embrasser que les « combats » les plus plus susceptibles de retenir l’attention des journalistes, internationaux pour l’essentiel. Le collectif compte d’ailleurs en son sein quelques « bons clients » des médias comme l’on dit dans le jargon journalistique : Anges Kevin Nzigou, Marc Ona Essagui, François Ndjimbi (le frère du fondateur du site d’information Gabon Review), Jean Gaspard Ntoutoume Ayi ou encore Nicolas Nguema (les deux derniers ayant échoué à atteindre le deuxième tour lors des élections législatives d’octobre 2018).

Obséder par les médias internationaux

« Le but d’Appel à agir n’est pas de faire bouger les lignes sur le plan politique, de formuler des contre-propositions pour répondre aux attentes des Gabonais, mais de rechercher le coup d’éclat médiatique », confirme un politologue de l’UOB. Le collectif papillonne d’ailleurs d’un combat à un autre, épousant toutes les causes pourvu qu’elles lui garantissent un peu de lumière.

Après avoir fait ces derniers mois du tambour en estant en justice aux fins d’obtention, en vain, d’une demande d’expertise médicale sur la personne du président de la République dans le but de faire constater la vacance du pouvoir, Appel à agir s’empare aujourd’hui du très médiatique débat – à l’international à tout le moins – sur une supposée « monarchisation » du Gabon.

A l’appui de cette thèse, le collectif avance pour unique argument – suffisant à ses yeux – la nomination cette semaine du fils du président Ali Bongo Ondimba au poste de coordinateur général des affaires présidentielles lors du conseil des ministres. La « preuve » irréfragable selon lui d’un projet secret de dévolution du pouvoir.

Une lutte pour le leadership au sein de l’opposition

« Dire cela aujourd’hui, quoi qu’on en pense sur le fond, c’est faire un procès d’intention. Personne ne connaît la suite de l’Histoire. Aucun élément ne permet de l’étayer. Ça n’est donc pour l’heure que pure spéculation », fait observer avec beaucoup de prudence ce politologue de l’UOB, ajoutant, avec le bon sens qui le caractérise, qu’ « une nomination à la présidence de la République n’équivaut pas à une candidature à l’élection suprême. »

Ce vendredi, lors de sa conférence de presse, le porte-parole de la Présidence de la République, Jessye Ella Ekogha, a fait remarquer que, contrairement à la rumeur, ce poste n’avait pas été taillé sur mesure pour le nouvel impétrant – il a été créé pour la première fois en… 2003 – et que le Gabon ne constituait nullement de ce point de vue une spécificité, citant les cas de la fille et du neveu du président des États-Unis.

En réalité, à travers cette campagne médiatique, à destination pour l’essentiel des médias internationaux, ce que recherche Appel à agir, c’est à apparaître comme l’élément moteur de l’opposition gabonaise face aux vieux barons (Jean Ping, Alexandre Barro Chambrier, Guy Nzouba Ndama, Zacharie Myboto…) qu’il considère comme compromis et dépassés. Sous couvert d’un combat pour des principes, il s’agit en réalité d’une lutte pour le leadership au sein de l’opposition.

Un pétard mouillé qui rappelle l’ultimatum du 31 mars

Les membres du collectif le savent très bien : leur dernier appel subira le même sort que les précédents. Il fera office de pétard mouillé. En mars 2019 déjà, ils avaient lancé un « ultimatum », claironnant alors avec force fracas qu’une série d’actions seraient menées si la vacance du pouvoir présidentiel n’était pas déclarée avant le 31 du même mois. Le lendemain de la date fixée, le 1er avril, rien ne s’était passé.

Mais pour Appel à agir, là n’est pas l’essentiel. D’ailleurs, le collectif sait très bien jusqu’où il peut pousser le bouchon. Dans leur appel de ce weekend, il exhorte les Gabonais à prendre leurs responsabilités individuelles mais il n’appelle pas à un soulèvement populaire, ce qui le placerait sous le coup de poursuites pénales. Exactement comme l’avait fait Jean Ping en décembre 2018 avec le succès que l’on sait. Le signe qu’Appel à agir, au-delà de ses saillies médiatiques, gardent juridiquement – mais aussi politiquement – les pieds sur terre.