Les médias du nouveau monde seront nombreux à couvrir les élections d’octobre au Gabon

Cai Mingzhao, le président de l'agence de presse chinoise, Xinhua, très présente au Gabon © DR

C’est notamment le cas de la Chine, de l’Inde et de la Russie dont plusieurs rédactions se mobiliseront à cette occasion. 

Il fut un temps où seuls les médias occidentaux, singulièrement français, couvraient les élections au Gabon. Mais signe des temps, cette année, les journalistes étrangers les plus nombreux dans le pays seront originaires des pays émergents.

Parmi ceux-ci, les journalistes chinois seront les plus nombreux. Ils croiseront sans doute à Libreville et ailleurs leurs confrères indiens et russes, mais aussi turcs, etc., qui viendront eux aussi relater les différents scrutins prévus dans quelques jours au Gabon.

« Nous venons parce que le Gabon est le pays d’Afrique centrale le plus stable et le plus engagé sur la scène diplomatique. En plus, avec les réformes décidées par le gouvernement par exemple en matière de finances publiques et d’éducation, on sent que les choses bougent », nous dit un de nos confrères chinois, journaliste pour une grande agence de presse, qui s’exprime dans un français quasi-parfait.

Cet intérêt – inédit – pour le Gabon de la part de ces puissances émergentes (dont certaines sont en réalité déjà émergées depuis longtemps) n’est sans doute pas étranger aux récents déplacements effectués par Ali Bongo Ondimba au cours desquels celui-ci s’est entretenu avec les dirigeants de ces différents pays. Le président gabonais a en effet échangé en tête-à-tête avec le premier ministre indien Narendra Modi en mars dernier, avec le président russe Vladimir Poutine le 14 juillet dernier à Moscou et avec le numéro un chinois XI Jinping à Pékin début septembre.

« Le fait que le président gabonais soit venu discuter en Inde avec notre premier ministre nous a incité à nous intéresser davantage au Gabon. D’autant que l’on sait que le pays est très engagé pour la défense de l’environnement, un sujet qui nous préoccupe beaucoup en Inde », nous confie un de nos confrères qui travaille pour un grand groupe de radio-télévision indien.

« Nous sommes là pour comprendre ce qu’il se passe ; savoir quelles sont les dynamiques à l’oeuvre dans le pays, en particulier sur le plan politique », renchérit un journaliste russe, désormais rattaché à la rédaction de Russia Today et qui connait bien l’Afrique pour y avoir longtemps travaillé.

Engouement des médias du nouveau monde, lassitude de ceux de l’ancien monde

« Ce qui caractérise les médias de ce que l’on peut appeler le nouveau monde, c’est, je dirais, leur engouement car il s’intéresse réellement à l’Afrique depuis peu mais aussi leur volonté sincère de comprendre ce qui se passe chez nous », explique un professeur en science de l’information à l’Université Omar Bongo de Libreville.

Des caractéristiques qui, selon lui, tranchent avec celles des médias occidentaux. Chez ces derniers, « il y a une forme habitude et de lassitude. Ils couvrent les élections en tant que telles, sans s’intéresser aux dynamiques qui changent le visage du pays. Ils ont l’habitude de faire les mêmes sujets et de les traiter de la même manière », conclut-il.

Ce devrait être le cas notamment des médias français, toujours très intéressés par l’actualité au Gabon en période d’élections. Plusieurs échanges informels avec certains d’entre eux confirment l’intuition de notre universitaire, spécialiste en science de l’information. La plupart devraient couvrir les élections en se référant au précédent scrutin de 2016 et en insistant sur les morts qui ont endeuillés l’événement. « Des faits importants mais qui sont souvent instrumentalisés par certains médias pour dépeindre le Gabon comme un régime autoritaire. Il ne faut pas être naïf. En choisissant tel ou tel sujet, tel ou tel angle, on donne une image du pays qui souvent est très loin de refléter la réalité. C’est ainsi que des médias qui se targuent d’être impartiaux sont en réalité des médias d’opinion », explique l’universitaire d’UOB, en indiquant toutefois que leur audience régresse de plus en plus sous l’effet de la montée en puissance d’autres médias, étrangers mais aussi locaux, ainsi que des réseaux sociaux.

Quand nous en parlons avec l’un de nos confrères chinois, celui-ci esquisse un léger sourire. « Vous voyez, la différence entre nos médias et ceux des pays dont vous parlez [la France en l’occurrence], c’est que nous nous regardons devant alors que eux déploient les rétroviseurs pour regarder derrière. C’est une tendance plus générale et les médias n’y échappent pas », nous glisse-t-il avec malice.

Mais il y a une autre ornière à laquelle les médias français ne devrait pas échapper : ceux-ci sont régulièrement brocardés pour couvrir de manière partiale les événements se déroulant en Afrique. Comme l’analyse l’universitaire d’UOB, « il s’agit d’un travers assez général dans les médias français, qu’il s’agisse des médias publics ou de certains médias privés. Celui qui l’a sans doute le mieux résumé est l’intellectuel Alain Finkielkraut quand il a déclaré que dans les médias français, la réprobation précédait la description ».

Au fond, c’est peut-être là la principale différence entre les médias du nouveau monde et ceux de l’ancien monde, pour reprendre un vocable à la mode à Paris. Les premiers cherchent à décrire, les seconds à condamner.